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Chambre du Conseil pour les attentats de Bruxelles: Salah Abdeslam, un jeune à la dérive

Face aux enquêteurs, Salah Abdeslam a souvent gardé le silence et a refusé de rencontrer les experts psychiatres. Cependant, pour tenter de comprendre son parcours et sa personnalité, RTL INFO s’est plongé dans ses rares déclarations, dans une série de lettres qu’il a rédigées, et surtout dans les auditions de ses proches, dont celles de sa mère et de son ex-petite amie.

À la lecture de ces documents exclusifs, il apparaît que Salah Abdeslam avait habilement cloisonné sa vie : il y avait le fils aimant, le fiancé jaloux, l’ami sorteur et le terroriste en devenir, celui qui signera sa dernière lettre "Abd Rahman, c’est mon nom dans le jihad." Ces différents mondes ne se rencontraient pas et allaient jusqu’à ignorer leur existence parallèle…

Salah Abdeslam est né le 15 septembre 1989 à Bruxelles dans une famille originaire d’Algérie et a grandi entouré de trois frères aînés et d’une sœur cadette. Une famille dans laquelle Yamina, la mère, semble prendre toutes les décisions. Une famille unie mais pudique où l’on s’exprime en français et dans laquelle les enfants sont libres : "les garçons de la famille faisaient ce qu'ils voulaient. Concernant la sœur de Salah, c'était un peu le même principe, la maman voulait ce qu'il y a de mieux pour elle également mais c'était tout pour eux et rien pour les autres", explique l’ex-petite amie de Salah Abdeslam.

Salah Abdeslam a toujours vécu à Molenbeek, face à la maison communale. Depuis son enfance, son horizon s’est résumé à cette commune pauvre de la région bruxelloise : il en fréquentait les écoles et pratiquait des activités sportives dans les alentours du domicile familial.

Sa mère décrit une enfance calme et sans heurts : "Il m’aidait beaucoup dans la maison. Il me donnait un coup de main car je n’avais pas encore de fille à ce moment-là. Il était là pour les courses, il était serviable et très poli avec tout le monde. Nous avons élevé nos enfants de manière religieuse mais de manière normale. Mes enfants n’ont jamais été dans une école arabe." Son frère aîné, Yazid, se souvient lui-aussi d’un garçon sage et respectueux : "Il faisait toujours attention à sa famille. Il était câlin avec notre maman, il lui disait qu'il l'aimait. Il aimait beaucoup notre sœur et il la gâtait avec des cadeaux. Il était du genre protecteur."


Selon sa mère, Salah Abdeslam aimait bien l’école : "Je me souviens qu’il travaillait bien. Il était dans la moyenne de la classe." Son frère Mohamed poursuit : "À l'école, c'était quelqu'un de studieux, on voyait qu'il n'allait pas faire l'Université mais il était régulier dans le travail, il assistait aux cours, il faisait ce qu'il devait."

Après nos fiançailles, Salah est rentré en prison

Ses études secondaires en électromécanique terminées, Salah Abdeslam s’est fait engager à la STIB. Son père, Abderrhamane, y travaillait depuis des années : "Salah a travaillé à la STIB un an et demi ou deux ans, je ne suis plus certain, comme technicien. C’est moi qui l’ait fait rentrer. Il a aussi eu un job d’étudiant pendant un mois d’été en tant que technicien de surface pour une société de nettoyage dans le métro. Je pense qu’après avoir quitté la STIB, il touchait du chômage. Il n’a jamais rien donné comme participation aux frais du ménage." Son père lui en voudra de s’être fait licencier. Selon ses proches, Salah Abdeslam aurait ensuite voulu devenir chauffeur de taxi, livreur ou déménageur, mais finalement, il gérera le café "Les Béguines" à Molenbeek. Un lieu où seront diffusées des vidéos de l’État islamique…



Salah Abdeslam était un jeune homme sans passion et sans véritable projet. "Il regardait souvent la télévision, beaucoup de football, des films. Il écoutait aussi de la musique le matin et dans sa douche. Il était toujours bien préparé, bien rasé avec son gel. Il lui arrivait d’aller jouer au football avec des amis. Il lui arrivait également d’aller à la piscine. Il s’amusait bien", se souvient sa mère avec émotion.

À 20 ans, Salah Abdeslam se fiance avec Yasmina, une jeune fille de trois ans sa cadette. "Comme cela se fait chez nous, la famille du garçon s’est présentée à mes parents fin 2009 et nous avons officialisé notre relation en avril 2010", se souvient la jeune fille qui n’oublie pas non plus les jours qui ont suivis : "Après nos fiançailles, Salah est rentré en prison et ça a été la honte pour mes parents. Plusieurs fois, mes parents m'ont dit que ce n’était pas quelqu'un pour moi." Les casiers judiciaires belge et français de Salah Abdeslam rassembleront en effet rapidement plus d’une douzaine de condamnations pour tentatives de vol, défaut d’assurance et d’immatriculation, coups et blessures involontaires ou encore fraude informatique.


 

Salah Abdeslam apparaît alors comme un flambeur, un fêtard fumeur de shit qui sort en boîte, boit de l’alcool et joue au casino ou au bingo : "Il passait ses nuits dehors à faire je ne sais quoi et il dormait la journée", se souvient son ex-petite amie. "Moi, j’étais amoureuse et je fermais les yeux sur cette situation, comme si de rien n’était. Il se comportait bien avec moi, il était agréable, attentionné, mais je savais qu’il avait de mauvaise fréquentations." À l’époque, Yasmina était très amoureuse… "Avec le recul, je ne peux pas dire que c'était quelqu'un d'attentionné. Ce n'était pas quelqu'un de méchant. Il avait beaucoup d'humour. Salah était quelqu'un de très jaloux et possessif donc je ne connaissais pas ses amis. Il séparait notre relation de ses amis. Il ne donnait jamais le nom de ses amis, en tout cas pas à moi. Il y avait notre relation et puis on vivait notre vie avec nos amis de nos côtés. Pendant notre relation, je n'ai jamais trop posé de questions, c'était la règle. Salah avait énormément d'emprise sur moi. Je n’avais pas mon mot à dire."


Yasmina présente cependant Salah Abdeslam comme un garçon influençable. Mohamed Abdeslam parle lui d’un jeune homme de caractère : "Il ne se laissait pas faire en cas de conflit, mais si on ne lui cherchait pas de poux, il n'en cherchait pas à d'autres, il était souriant."


Dans une lettre rédigée durant sa cavale et adressée à sa petite amie, on apprend que Salah Abdeslam voulait se marier : "Je t’écris et te demande mes sincères excuses, je t’ai quittée, alors que je t’avais promis le mariage. Ce n’est pas une trahison mais un choix." Selon sa mère, il espérait aussi fonder une famille. Après son arrestation, depuis sa cellule, Salah Abdeslam nourrissait toujours l’espoir d’épouser Yasmina, mais la jeune femme a décidé de couper les ponts avec lui et sa famille : "Lorsque je me suis écartée de la famille de Salah, ça ne leur a pas plu car sa maman voulait toujours que je me marie avec lui. Ils voulaient que je me marie, que j'aille vivre chez eux en attendant qu'il sorte. Mohamed était d'accord avec cette idée. J'étais choquée de ses idées."

Au final, que ce soit sa famille, ses amis, son ex-petite amie, tous s’accordent pour présenter Salah Abdeslam comme un garçon respectueux, serviable avec beaucoup d’humour…. Un portrait à mille lieues du terroriste glaçant qu’il deviendra…

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