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Cinq ans sont passés depuis le début de la crise du Covid. Déjà à l’époque, des spécialistes s’inquiétaient des conséquences de cette période sur la santé mentale des jeunes à long terme. Qu’en est-il aujourd'hui ? Les enfants qui ont vécu la pandémie de Covid sont-ils en souffrance ?
Léon n'avait que trois ans pendant la crise sanitaire. Sa maman en est convaincue : à bientôt huit ans, il présente des séquelles de la période du Covid.
"Une anxiété qui a pu se développer, de pouvoir ne plus pouvoir que refaire la bise, dire bonjour. Est-ce que si je touche quelque chose, finalement, c'est dangereux, c'est inquiétant", témoigne Laure, sa maman.
Voilà qui semble confirmer des craintes formulées par des spécialistes de l'enfance il y a cinq ans. L'école à distance, les activités suspendues, l'inquiétude des adultes auront, disaient-ils, des conséquences sur le développement émotionnel et psychique des jeunes. "Cette dépression et cette anxiété qu'ils pouvaient ressentir sont notamment expliquées par la perte de liens ou le sentiment que ces liens sont en train de se distendre", explique ainsi Fabienne Glowaz, professeure de psychologie à l'Université de Liège.
Florine Hosselet est institutrice à l'école Saint-Martin d'Assesse. Elle l'affirme : certains enfants, ayant grandi lors de la pandémie, ont des difficultés : "Tout ce qui est, je dirais, relationnel entre eux vis-à-vis de l'enseignante. Après, est-ce que c'est le Covid ou c'est parce que notre société est de plus en plus individualiste ? Je ne sais pas trop dire, mais en tout cas, il y a pas mal de comportements qu'on doit leur apprendre".
Les expériences traumatisantes du passé continuent d'amplifier l'angoisse
Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre, nous le confirme. Chez les plus sensibles, dit-il, un sentiment d'insécurité, un manque de confiance peuvent s'être développés : "Le stress vécu à ce moment-là reste toujours un peu comme une plaie, une souffrance à l'intérieur de l'être. Les expériences traumatisantes du passé ne cicatrisent pas toujours et continuent d'amplifier l'angoisse". En raison de la crise du Covid, plusieurs études démontrent une hausse significative des troubles anxieux et dépressifs chez les 15-25 ans. Jusqu'à 50% des jeunes sont concernés, sans retour à la normale depuis lors.
"C'est énorme. C'est pour ça que je suis en train de dire que malheureusement, c'est en train de devenir la norme. Il faut prendre ça en considération. J'ai beaucoup plus de jeunes qui souffrent de phobies sociales, qui ont du mal à sortir de chez eux, qui ont développé des décrochages scolaires", avance Sophie Maes, pédopsychiatre au Réseau bruxellois en santé mentale "Bru-Stars".
Certains facteurs ont participé au maintien des symptômes ; les enjeux climatiques, la guerre en Ukraine en font partie. Alors, que faire pour éviter que ces jeunes ne deviennent des adultes tourmentés ?
"Aller vers eux et puis entendre ce qu'ils vont dire. En partageant la peur, on soulage plus l'enfant en lui disant "Tu sais, ta peur, il y en a beaucoup d'autres qui l'ont aussi"", conseille Jean-Yves Hayez. "Nos jeunes ont des capacités de résilience extraordinaires. Pour peu que nous prenions la mesure de ce qui se passe et que nous mettions, nous, en tant qu'adultes, des choses en place pour leur permettre de se retrouver les uns avec les autres et de pouvoir de nouveau échanger, ça ne peut que fonctionner", ajoute Sophie Maes.
De son côté, le petit Léon suit une thérapie pour grandir et s'épanouir avec davantage de sérénité.