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Victime de harcèlement scolaire, le fils de Marc s’est suicidé alors qu’il n’avait que dix-sept ans. Afin que cette tragédie ne se reproduise plus, son père fait le tour des établissements scolaires afin de sensibiliser élèves et professeurs à cette problématique qui sévit au sein des écoles. Voici son témoignage.
Tom, dix-sept ans, a mis fin à ses jours. Dans une lettre laissée derrière lui, il justifie son acte : quatorze pages dans lesquelles il raconte son calvaire qui a duré plusieurs années.
"Chaque jour, des groupes de personnes différentes se mettaient en rond autour de moi pour se moquer et m’insulter. C’étaient des monstres, ce qu’ils me faisaient était pire que du harcèlement. Les journées étaient interminables, j’ai vraiment été dégoûté de la vie. (…). Je restais seul et mangeais parfois debout dehors sous la pluie", écrit-il.
C'était quotidien, matin, midi et soir
"C’était en classe, dans la cour, c’était tout le temps, je pense. Et c’était au quotidien, matin, midi et soir. Mise à l’écart, raquette, insultes, destruction de matériel… Sans jamais vraiment me l’avoir dit, parce qu’à mon avis, il avait honte de ce qu’il vivait", témoigne Marc, son père.
Mettre fin à ses jours, Tom écrit y avoir pensé à plusieurs reprises. Mais c’est le 22 mars 2018 qu’il franchit le pas, fauché par un train.
"On se trompait complètement"
"On pensait simplement qu’il n’avait pas d’amis et qu’il était un peu seul, mais ça s’arrêtait là. On ne pensait pas qu’il y avait d’autres choses derrière tout ça", dit son père, ému. "Mais on se trompait complètement. Si c’était à refaire, je pense que je travaillerais moins et je serais plus à son écoute".
Aujourd’hui, ce père meurtri se rend dans les écoles pour sensibiliser les élèves. Ces rencontres lui permettent d’observer l’évolution du harcèlement en milieu scolaire, notamment avec l’avènement du cyberharcèlement.
C’est pour lutter contre ce phénomène que cette école secondaire de Jambes interdit désormais les téléphones portables. Les élèves, sont obligés de s’en séparer en début de journée. Une mesure plutôt radicale que justifie la directrice qui évoque des insultes à répétition, des échanges virulents entre élèves, avec parfois des jeunes harcelés.
"C’est plus facile de s’envoyer des messages et de dire "T’as vu comment t’es coiffé et habillé". À partir du moment où cette décision a été prise, ça s’est calmé", explique Cécile Geudvert, directrice de l’Athénée royal de Jambes.
Comment reconnaître un jeune harcelé ?
"Vous allez peut-être avoir des signaux évidents, il ne voudra peut-être plus aller à l’école. Il y a aussi des signaux qui ressemblent à une crise d’adolescence accentuée. Il se peut qu'il y ait très peu de signaux et que parfois, il n’y en ait pas du tout", explique un psychologue.
Ce dernier souligne le danger du harcèlement en ligne qui "est une caisse de résonnance que vous mettez sur le harcèlement véritable. Il est donc forcément devenu plus virulent parce que le nombre de spectateurs va augmenter de manière virtuellement infinie et donc, ça vous donne un sentiment d’anéantissement".
Comment réagir ?
Véronique Livet est formatrice au centre "Resis Belgique". Cette dernière souligne qu’il faut "surtout éviter d’aller en classe et de cibler l’élève qui est pris pour cible et les élèves intimidateurs. Être vu, c’est ce que redoute le plus un élève harcelé".
Déterminer ses besoins, puis s’entretenir avec les harceleurs et tenter de susciter chez eux de l’empathie pour la victime, serait la meilleure solution. "L’idée, c’est vraiment de partir du principe que quand on sanctionne, on va créer de l’injustice chez les personnes qui ont pris part à l’intimidation et malheureusement, ça va parfois les fédérer davantage et ce sera peut-être encore pire", ajoute-t-elle.
Parfois, la sanction disciplinaire est nécessaire, tout comme le dépôt d'une plainte. Reste une question : peut-on éviter d’en arriver là ? Comment prévenir le harcèlement scolaire ?
Selon Cécile Geudvert, "la fin du portable est une mesure phare, mais si on ne l’associe pas à une mise en éveil, ça n’est pas très utile". Véronique Livet ajoute qu'"on n’a pas d’autres choix que de sensibiliser, d’informer et de s’intéresser à ce que font nos jeunes".
Je n'ai pas su protéger Tom, mais si je peux ne fut-ce qu’en sauver l’un ou l’autre, mon devoir sera rempli
Quant au père de Tom, il poursuit son travail de sensibilisation. "Je pense que le harcèlement continuera tout le temps. Je n'ai pas su protéger Tom, mais si je peux ne fus ce qu’en sauver l’un ou l’autre, mon devoir sera rempli. Je pose ma petite pierre et comme ça, j’espère qu’il sera fier de moi au moment où je le retrouverai. C’est aussi pour faire mon deuil et lui demander pardon", conclu-t-il.