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Le gouvernement fédéral acte la prolongation des réacteurs Doel 4 et Tihange 3 au-delà de 2035, mais l’opérateur Engie refuse d’aller plus loin. Un bras de fer s’engage sur l’avenir énergétique du pays.
C’est un tournant majeur dans la politique énergétique belge : la sortie du nucléaire, longtemps programmée, est officiellement abandonnée.
L’accord conclu vendredi prévoit la prolongation des réacteurs Doel 4 et Tihange 3 pour dix années supplémentaires, en plus des dix ans déjà accordés.
Un changement de cap qui vise à garantir la sécurité énergétique du pays à long terme.
Engie refuse d’aller au-delà de 2035
Si le gouvernement mise sur le nucléaire pour assurer l’approvisionnement en électricité, l’exploitant Engie reste ferme sur ses positions. L’énergéticien français refuse toute prolongation au-delà de 2035 et rappelle son engagement dans le démantèlement des réacteurs déjà arrêtés.
"Développer de la production d'électricité sur base nucléaire, ça ne fait plus partie de nos priorités stratégiques", a affirmé Vincent Verbeke, patron d’Engie Belgique. "Nos priorités sont le développement des énergies renouvelables, le développement de la flexibilité et aussi l'accompagnement de nos clients".
Une position jugée "inacceptable" par certains responsables politiques, à l’image du député MR Mathieu Bihet.
Une urgence pour la sécurité énergétique
Face à la réticence d’Engie, plusieurs spécialistes alertent sur les risques d’un approvisionnement énergétique insuffisant dans les années à venir.
"Il en va de notre approvisionnement en électricité", insiste Thomas Pardoen, spécialiste du nucléaire.
"Et le jour où on va commencer à avoir des tensions sur l'approvisionnement, tout le monde va se rendre compte que ça fait partie d'objets aussi critiques que nos hôpitaux. Avoir de l'électricité à un prix raisonnable fait partie des piliers de notre fonctionnement économique", ajoute l'expert.
Le gouvernement souhaite également accélérer la construction de nouveaux réacteurs pour accompagner l’électrification croissante et renforcer l’indépendance énergétique du pays.
Un modèle inspiré de la France ?
La Belgique regarde de près la situation en Allemagne, qui a mis fin à son parc nucléaire et dépend désormais fortement de l’électricité française.
"Les Allemands achètent abondamment l'électricité nucléaire de la France, car ils n'ont pas prolongé leurs réacteurs", explique Thomas Pardoen. "Leur prix de l’électricité augmente terriblement. Et à un moment donné, est-ce que la France pourra aider tout le monde lorsqu’il y aura de longues périodes sans vent et sans soleil ? On n’en sait rien".
Plusieurs opérateurs étrangers se disent prêts à collaborer avec la Belgique sur son avenir nucléaire. Mais la question du financement reste entière : prolonger la durée de vie d’une centrale représente un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros.