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Un millier d'anciens actionnaires de la banque Fortis attaquent BNP Paribas et l'État belge et réclame 11 milliards d'euros d'indemnités. Le procès s'est ouvert ce matin à Bruxelles. Le jugement est attendu pour début 2025. Retour sur le "Fortisgate".
Comment la plus grosse institution financière du pays est-elle devenue, du jour au lendemain, le maillon faible? Le Fortisgate a même bouleversé l'ensemble du système politique ou judiciaire. Tout commence en 2008, en pleine crise des subprimes.
Pour comprendre l'affaire, il faut remonter 16 ans en arrière. Début 2008, la crise des subprimes éclate aux États-Unis. En quelques mois, elle bouleverse la planète entière. "On a beaucoup parlé de tsunami, d'ouragan financier", racontaient les JT de l'époque.
Un contexte très tendu
Notre pays n'est pas épargné: La crise va coûter à ces quatre plus grosses institutions financières des dizaines de milliards d'euros. Avec le gros de l'addition pour Fortis. En 2008, son bénéfice chute de 21 milliards. "Ça commence aussi avec le rachat d'ABN AMRO, un prix surfait", rappelle Yves Delacollette, avocat et expert du secteur financier. "Le fait que Fortis ait racheté à un prix fort une banque qui était trop grande pour elle, dans un contexte très tendu de crise des subprimes, a été le début de la fin de Fortis, si on peut le dire en ces termes."
Le 29 septembre 2008, les gouvernements belge, néerlandais et luxembourgeois prennent le contrôle du groupe en grande difficulté. Pour le sauver, ils y injectent 11 milliards d'euros. "Aujourd'hui, Maurice Lippens a décidé de faire un pas de côté de son poste de président de Fortis", annonçait à l'époque Yves Leterme (CD&V), alors Premier minsitre.
Mais cela ne suffira pas. Le 3 octobre suivant, Fortis est démantelé. Les Pays-Bas rachètent les actifs néerlandais. La Belgique acquiert Fortis Bank pour la revendre quelques jours plus tard au géant français BNP Paribas. "BNP Paribas assurera à Fortis Bank Belgium les conditions nécessaires à la pérennité du groupe bancaire et à son développement", assurait Yves Leterme.
Les actionnaires de Fortis n'acceptent pas le démantèlement. Ils reprochent aux dirigeants de leur avoir menti un peu avant la crise en leur demandant d'investir dans le groupe pour financer son extension. "La Société Générale, vous avez vendu Electrabel et maintenant vous vendez Fortis. Vous êtes vendu aux Français", accusait l'un des salariés. "J'estime avoir été roulé dans la farine et je veux montrer par ma présence, malgré que je suis un petit actionnaire, que ces méthodes-là doivent se terminer", constatait un autre.
Démission du Premier ministre
Le Fortisgate bouleverse l'ensemble du système politico-judiciaire. Le 19 décembre, le gouvernement Leterme démissionne, accusé de tentatives de pression sur la justice. "Je crois qu'aujourd'hui, on ferait une très bonne série sur Netflix avec une affaire comme celle-là, puisqu'en effet, ce qui s'est produit dans le cadre du démantèlement, c'est une vraie confusion des genres", estime l'avocat Yves Delacollette.
Plus de 15 ans après les faits, le procès historique du Fortisgate s'ouvre enfin à Bruxelles.
Un millier de petits actionnaires se battent pour 11 milliards d'euros contre BNP Paribas et l'État belge.