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La justice allemande a suspendu vendredi le déboisement controversé d'une forêt pour agrandir une énorme mine de charbon, offrant aux militants écologistes qui occupent les lieux un succès tardif après six ans de bataille.
Cette décision intervient alors que les jours de ce lieu symbolique paraissaient comptés. La forêt de Hambach cristallise les tensions autour de la dépendance allemande au charbon brun, extrait à ciel ouvert sur de vastes surfaces.
Non seulement l'énergéticien RWE a déjà défriché 3.900 des 4.100 hectares de ce bois proche d'Aix-la-Chapelle, dans l'ouest de l'Allemagne, mais la police a expulsé ces dernières semaines les dizaines de militants installés dans les arbres depuis six ans.
Se prononçant en appel et en référé, la Cour régionale administrative de Münster a estimé vendredi que RWE n'avait "pas le droit de déboiser la forêt de Hambach" tant que la justice n'aura pas examiné le recours déposé sur le fond par l'association environnementale Bund, soit d'ici 2020 selon RWE.
"C'est une bonne journée pour la protection de la nature et du climat et un jalon pour le mouvement anti-charbon", s'est réjoui Martin Kaiser, de l'association Greenpeace, lors d'une conférence de presse.
- Chauve-souris -
Comme Bund s'oppose à l'agrandissement de la mine exploitée par RWE en invoquant une directive européenne sur la protection de la faune et la flore, la justice doit "décider de questions complexes, qui ne peuvent être tranchées en référé", précise la Cour administrative.
Les requérants font notamment valoir que la forêt abrite des espèces rares comme le vespertilion de Bechstein, une petite chauve-souris, et doit donc être qualifiée de zone protégée.
Or le projet de RWE soutenu par les autorités régionales implique de raser à partir du 15 octobre la moitié des 200 derniers hectares de la forêt, ce qui porterait une atteinte "irréversible" à ce territoire, "injustifiée" aux yeux des magistrats.
Si la présence des militants installés dans les arbres de Hambach était tolérée depuis des années, RWE a récemment décidé de faire valoir ses droits et la police a entamé en septembre l'expulsion des occupants, démantelant 86 constructions provisoires.
L'opération a entraîné l'arrestation de près de 300 personnes et 27 policiers ont été blessés dans des confrontations avec les militants, qui ont pour certains jeté des cocktails Molotov, des pierres et des sacs d'urine ou d'excréments, selon la police locale.
Un journaliste indépendant couvrant l'événement a par ailleurs fait une chute mortelle mi-septembre, depuis un pont reliant deux cabanes construites dans des arbres.
- Dépendance énergétique -
Une manifestation, qui devrait rassembler ce samedi plusieurs milliers d'opposants à l'agrandissement de la mine, a finalement été autorisée par la justice après une interdiction par la police régionale.
La forêt de Hambach est devenue en Allemagne le symbole des adversaires du charbon, qui continue à représenter près de 40% de la production d'électricité en raison notamment de la sortie du nucléaire à l'horizon 2022, décidée en 2011 par le gouvernement d'Angela Merkel.
"Nous resterons dépendants encore un bon moment du lignite", c'est-à-dire du charbon brun bon marché mais très polluant, a récemment déclaré sur la chaîne ARD l'un des responsables de RWE, Frank Weigand.
Le gouvernement allemand, qui a reconnu en juin qu'il n'atteindrait pas ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour 2020, a créé une commission chargée de réfléchir à la sortie du charbon, sans fixer pour l'heure d'échéance tant le sujet est techniquement et socialement épineux.
Les énergies renouvelables sont certes montées en puissance, dépassant les 30% de la consommation d'électricité allemande, mais elles posent encore des difficultés liées à leur caractère intermittent et leur transport depuis le Nord, balayé par le vent, jusqu'au Sud industriel.
Un abandon rapide du charbon compromettrait donc "la sécurité de l'approvisionnement", martelait l'an dernier RWE, tout en alertant sur le sort des "75 000 employés directs et indirects du secteur de la lignite".
Le groupe a pour le moment indiqué dans une communiqué s'attendre à un effet négatif sur son bénéfice d'exploitation d'au moins 100 millions d'euros par an entre 2019 et une éventuelle reprise des travaux.