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"Quelque part, on s'est habitué à la guerre": la judoka ukrainienne Daria Bilodid, double championne du monde à 23 ans, explique à l'AFP vouloir obtenir l'or olympique à Paris "non seulement" pour elle mais aussi pour son "pays" et "la jeunesse d'Ukraine".
En 2023, Daria Bilodid n'avait pas pu briguer un troisième titre mondial à Doha. Pour protester contre la présence de judokas russes, l'Ukraine avait boycotté la compétition. Une injustice selon la jeune judoka.
"Toutes ces personnes qui vont participer aux championnats du monde sont des militaires. Cela n'a aucun sens", avait écrit sur Instagram l'athlète, estimant qu'il était "inacceptable d'autoriser des militaires d'un pays terroriste qui tue chaque jour des Ukrainiens".
Rencontrée au Dojo de Paris lors d'un stage international réunissant des centaines de judokas cette semaine, la médaillée de bronze des Jeux de Tokyo en 2021 veut aujourd'hui se "concentrer entièrement sur l'entraînement, avec en ligne de mire une médaille d'or" dans six mois.
Cet été, seuls les sportifs russes qui n'ont pas soutenu activement la guerre et ne sont sous contrat ni avec l'armée ni avec des agences de sécurité nationales pourront concourir, sous bannière neutre et s'ils sont bien sûr qualifiés, a décidé le Comité international olympique fin 2023.
"J'accepterai" de les combattre, si le tirage au sort en décide ainsi, affirme-t-elle. Mais "bien sûr, ce n'est pas la même chose" de combattre des Russes, "évidemment j'ai encore plus envie de gagner contre eux" que contre d'autres nationalités.
"Je sens que la compétition est très proche, alors j'essaie maintenant de me concentrer davantage sur ma préparation", explique Daria Bilodid, championne du monde en 2018 et 2019 chez les -48 kg mais passée depuis en -57 kg.
Très grande judoka comparée à ses anciennes adversaires en -48 kg, Bilodid, 1,72 m, fait encore de sa taille un atout dans sa nouvelle catégorie.
- "Toujours debout" -
Mais au-delà, elle met en avant comme points forts son "caractère" et son "esprit": "Je pense que c'est ma principale force, mon mental, je pense avoir un esprit de championne, je veux gagner toutes les compétitions, je veux être la meilleure".
Malgré la guerre, Bilodid continue de vivre en Ukraine, à Kiev, même s'il "n'est pas facile de s'entraîner" tous les jours.
"Tous les gens sont très fatigués de la guerre", poursuit-elle. "Parfois, des roquettes continuent de tomber sur Kiev. C'est difficile, mais quelque part, on s'est habitué à la guerre et nous continuons à nous entraîner. Personne ne sait ce qui va se passer désormais".
Drapeau de l'Ukraine sur le coeur, brodé sur son kimono bleu, Daria Bilodid a "toujours aimé représenter l'Ukraine, même avant la guerre".
"Mais aujourd'hui, j'ai davantage envie de gagner, non seulement pour moi, mais aussi pour mon pays. C'est très important pour notre peuple et pour la jeunesse ukrainienne", affirme la blonde élancée.
Après le 24 février 2022, début de l'invasion russe en Ukraine, la jeune star au demi-million d'abonnés sur Instagram a quelque peu troqué ses publications glamour contre des messages d'affliction.
"Je n'oublierai jamais le bruit des explosions, des bombardements, les appels de ma famille disant 'ça a commencé', la peur et les larmes", écrit-elle par exemple le 24 mars 2022.
Près de deux ans après, celle qui a dû un temps partir vivre et s'entraîner à Valence, en Espagne, veut "montrer que nous avons encore de l'espoir, que nous sommes toujours debout", avance la judoka, dont le sport consiste justement à ne pas tomber.
Entourée de sa mère et entraîneure Svitlana Kuznetsova, conseillée également par son père médaillé mondial en 2005 Gennadiy Bilodid, l'Ukrainienne a un but clair en 2024: "entendre à Paris l'hymne ukrainien, ce serait l'une des plus grandes émotions".