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Le professeur Jean-Henri Jaeger, auquel Franck Ribéry a demandé son aide pour soigner une tendinite du genou gauche, est l'un des plus grands spécialistes français, voire européens, des membres inférieurs, qui a vu défiler devant lui les "genoux les plus chers du monde".
De Raymond Kopa à Zinédine Zidane, en passant par Pierre-Alain Frau, Ludovic Giuly, Marius Trésor, Carlos Bianchi, Dragan Stojkovic, Emmanuel Petit, Patrick Vieira, Benoît Pedretti, Bixente Lizarazu, Karl-Heinz Forster, Shabani Nonda, Robert Pirès... La patientèle de ce médecin traverse l'histoire du foot. Et si elle était en photo, elle ferait le bonheur de bien des collectionneurs.
Dans son bureau au deuxième étage du centre d'orthopédie à Illkirch-Graffenstaden, dans la banlieue de Strasbourg, il n'y a que quelques traces du passage des artistes du ballon rond. Un poster de l'équipe de France de 1982, quelques photos par-ci par-là et une dédicace de Bruno Bellone: "Grâce auquel beaucoup de joueurs peuvent encore courrir (sic)".
Rien, pourtant, ne prédestinait le jeune Jaeger à connaître le statut envié de chirurgien attitré des footballeurs. Pas d'atavisme. Son père était ingénieur à la SNCF à Thionville (Moselle) et sa mère travaillait chez un notaire. Pas non plus de passion pour le ballon rond: il préférait le handball, qu'il a pratiqué à haut-niveau.
Mais la vocation de médecin lui est venu tôt: "J'avais six ans. On jouait au foot à la récréation. J'ai pris un coup de pied dans le ventre d'un gamin qui avait une case en moins. Je rentre à la maison mais je ne dis rien. Seulement mon état s'aggrave. On me conduit à l'hôpital. Le médecin suspecte une perforation intestinale d'origine typhoïde".
"C'est en ouvrant qu'il verra que la perforation est traumatique. Il m'a sauvé la vie. Je suis resté quatre, cinq semaines à l'hôpital. Il y avait des personnes qui venaient me voir matin, midi et soir. Le personnel était si gentil. J'ai décidé d'être médecin. Ma voie était tracée", ajoute le professeur qui a longtemps visé la chirurgie cardio-vasculaire ou viscérale.
Le hasard d'un stage pendant son internat va l'amener vers la médecine orthopédique. Et c'est ce même hasard, alors qu'il est jeune chef de clinique, qui va mettre sur sa route, à la fin des années 1970 début des années 1980, Jacky Novy puis Marius Trésor.
"Novy souffrait d'une cuisse. Il est arrivé et a dit: +Il parait que vous êtes le spécialiste+ J'y suis allé au culot. J'ai ouvert la cuisse. Quatre mois après il a rejoué et dit à la presse que je l'avais sauvé. Marius m'avait lui expliqué être traité pour un cancer. En fait c'était une pubalgie. Quand il a marqué contre l'Allemagne en 1982, j'ai pleuré", se souvient le Pr. Jaeger.
"J'ai pris l'étiquette de médecin du foot", sourit celui que beaucoup de joueurs ont seulement consulté. "Lors d'un match avec l'équipe de France, j'ai vu Michel Platini. Il souffrait d'une grosse pubalgie. Je lui ai dit que s'il voulait jouer, il n'avait d'autre choix que l'intervention. Quinze jours plus tard, il arrêtait sa carrière. Il était pourtant encore jeune".
A 65 ans, Jean-Henri Jaeger montre ses mains parfaitement fermes. Il se donne encore deux ans pour diagnostiquer et opérer si nécessaire. Dans deux semaines, Ribéry saura s'il est le prochain célèbre patient à lui montrer l'intérieur de son genou. Et comme depuis ses débuts, le chirurgien avoue, lui, qu'il dormira mal la veille. "Avec un pro, on sent la pression", dit-il.