Les boissons énergisantes suscitent un engouement toujours grandissant chez les adolescents et les jeunes adultes, mais leur consommation par les enfants interpelle. Quelle est la législation en Belgique et ailleurs ?
Une mère de famille nous a contactés via notre bouton orange
Le Red Bull est en vente libre en Belgique depuis 1996. "Il n’existe pas de législation par rapport à cela", tranche la porte-parole du Service Public Fédéral (SPF) Santé Publique. "Le conseil supérieur de la santé déconseille, mais il n’y a pas de loi", indique-t-elle.
D’un point de vue légal, la vente de boissons énergisantes est à peine plus encadrée que celle d’un jus d’orange. Seule obligation, une mention sur chaque canette: "Teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes", exigée par
Les inquiétudes de cette maman sont-elles fondées ? Elles font en tout cas écho à de nombreuses autres voix qui mettent en doute le caractère inoffensif des boissons énergisantes. Depuis sa création en 1987 par l'entrepreneur autrichien Dietrich Mateschitz, le Red Bull est sujet à controverse: si son succès commercial est incontestable, notamment chez les jeunes, son innocuité (qualité d’une chose qui n’est pas nuisible) fait débat dans milieux scientifiques et de santé publique.
68 % des adolescents boivent des boissons énergisantes
Red Bull déconseille aux enfants la consommation de sa boisson, mais cible les jeunes consommateurs — adolescents et jeunes adultes — à grand renfort de marketing.
Un tiers du budget de l’entreprise s'écoule dans du marketing sportif et événementiel auquel les jeunes sont très réceptifs. La marque sponsorise de nombreux événements et organise elle-même des compétitions à sensations fortes comme le Red Bull Crashed Ice (course en patins à glace), le Red Bull Air Race (concours de voltige aérienne) ou autre Red Bull Cliff Diving (épreuve de plongeon). Une stratégie de communication qui se révèle très efficace...
En 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié
L’innocuité de Red Bull n’est pas prouvée, mais sa toxicité non plus
Qu’est-ce qui, dans la composition du Red Bull, suscite des craintes ?
La taurine, le D-glucuronolactone et la caféine, des ingrédients communément utilisés dans les boissons énergisantes, ont été fréquemment épinglés comme pouvant poser problème en termes de sécurité alimentaire.
La taurine est un acide aminé fabriqué par le corps humain naturellement. Elle joue un rôle dans le fonctionnement du système cardiovasculaire, du système nerveux central et des fonctions musculo-squelettiques.
Le D-glucuronolactone est un sucre présent naturellement dans l’organisme, qui participe à la désintoxication du foie.
La taurine et le D-glucuronolactone présents dans le Red Bull sont produits de manière synthétique par des compagnies pharmaceutiques. Les taux de ces substances dans une canette sont bien plus élevés que ce dont l’organisme a réellement besoin.
En 2009, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié
Si les effets indésirables de l’ingestion de taurine et de D-glucuronolactone manquent d’arguments scientifiquement fondés, les problèmes de santé liés à une consommation excessive de caféine sont bien connus.
La plupart des risques sont liés aux effets indésirables de la caféine
Comme 90% des boissons énergisantes disponibles sur le marché, le Red Bull atteint la limite légale de teneur en caféine autorisée par le Ministère de la Santé en Belgique, soit 80 mg par canette de 250 ml. Ce qui équivaut à peu près à un demi-litre de coca ou deux expresso.
Chaque canette porte la mention obligatoire "teneur élevée en caféine, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ou allaitantes", mais celle-ci est à peine visible. Sur son
Dans son avis de 2009 sur les boissons énergisantes, le Conseil supérieur de la santé s’inquiète de la surconsommation de caféine et des "conséquences que celle-ci implique telles que insomnie, nervosité, anxiété, maux de tête, tremblements et tachycardie, mais également, la possibilité d’induction d’une dépendance". En 2012, il émet un
Nous avons contacté le Dr Martine Mostin, Directrice générale du centre anti-poison, pour connaître son point de vue sur la consommation de boissons énergisantes par les enfants. S’appuyant sur ces deux avis du Conseil supérieur de la santé (2009 et 2012), elle estime que la consommation de Red Bull par les enfants est "essentiellement un problème de caféine". Elle souligne qu’il faut toujours mettre en rapport la dose de caféine avec le poids de la personne.
Concrètement, respecter "un apport maximal de 2,5 mg/kg/j", comme le recommande le Conseil supérieur de la santé, cela signifie qu’un enfant de 40 kilos ne devrait pas consommer plus de 100 mg de caféine par jour, calcule-t-elle, précisant que la sensibilité à la caféine varie de toute façon beaucoup d’une personne à une autre.
"Un gosse qui boit une canette de Red Bull, je ne m’attends pas à des drames", confie néanmoins le Dr Martine Mostin. Ce qui l’inquiète plus, c’est l’aspect psychologique, la démarche de boire ce genre de boisson pour "tenir le coup". Le Docteur Roxane Rossignol, du CHU Tivoli, a attiré notre attention sur un rapport de la fondation
Les autres pays légifèrent-ils sur la vente de Red Bull ?
Si la vente de Red Bull, y compris aux mineurs, est autorisée en Belgique depuis 1996, nos voisins français l’ont interdite jusqu’en 2008.
L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a multiplié les avis négatifs en invoquant le principe de précaution.
Mais en 2007, Red Bull a menacé l’état français d’un procès en s’appuyant sur une nouvelle directive européenne : désormais, ce sont les pouvoirs publics des pays de l’Union de qui doivent démontrer la toxicité d’un produit. La charge de la preuve incombe aux pouvoirs publics, et plus à l’industriel. Red Bull a déposé une plainte au tribunal administratif de Paris et réclamé 300 millions d’euros de dommage et intérêts. Alors, au grand dam du ministère de la santé, le ministère de l’économie a préféré autoriser Red Bull à accéder au marché hexagonal. La Norvège et le Danemark ont aussi été contraints, pour les mêmes raisons, de mettre en vente Red Bull sur leur marché.
Une exception: la Lituanie
En juin 2016, la Lituanie est devenue le seul pays de l’Union européenne à interdire la vente de boissons énergisantes aux mineurs. Les caissiers doivent désormais s’assurer que les acheteurs ont l’âge requis. Une lourde amende est prévue en cas d’infraction. "J'espère que cela servira d'incitation à d'autres pays. Beaucoup d'entre eux hésitent encore, peut-être influencés par la lucrative industrie des boissons énergisantes", a déclaré un porte-parole du Ministère de la santé.