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Pour Linda et Fabian, la véranda était un rêve qu'ils s'apprêtaient à concrétiser… Ils souhaitaient installer leur salle à manger dans cet espace vitré et une nouvelle cuisine dans ce qui leur sert aujourd'hui de salle à manger. Et puis, une véranda, en plus d'agrandir l'espace à vivre, c'est aussi davantage de luminosité dans une maison plus ouverte sur le jardin.
"C'est le projet d'une vie. On travaille mon épouse et moi depuis plus de 20 ans et on allait vraiment accéder à notre rêve", nous raconte le quarantenaire qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous.
31.000 euros d'acompte versés en deux temps
Le couple se lance dans ce projet pour embellir leur maison il y a plus d'un an. Lors de la commande de la véranda, en mars 2018, 10.000 euros d'acompte sont payés. Dès décembre dernier, tous les travaux préalables sont réalisés : fondations, construction du mur de sous-bassement, installations électriques, etc. "Tout a été revérifié par un technicien de chez Vérandas Confort pour les mesures et ce genre de choses. On m'a même demandé de déplacer un tuyau ou l'autre afin qu'ils puissent venir placer la véranda dans les meilleures conditions", explique Fabian.
©RTLINFO
Tout se déroule pour le mieux jusqu'à la fixation du moment où serait installée cette fameuse véranda. "On a versé un deuxième acompte (21.000 euros) après le mesurage en janvier. Début mars, je les ai contactés afin d'avoir une date pour le placement de la véranda puisqu'on arrivait dans les délais, raconte le Manageois. On m'a dit de retéléphoner la semaine suivante pour fixer une date dans le planning d'avril. Et à ma grande stupéfaction, le 14 mars, j'ai appris que Vérandas Confort était en faillite".
Le rendez-nous n'est jamais fixé. Plus personnes ne répond au téléphone. Au show-room, les portes sont closes… Lorsque le couple réalise la situation, c'est la désolation : ils ont versé 31.000 euros à cette société pour une véranda qu'ils ne verront sans doute jamais.
"Nous sommes désespérés", lance Fabian. Le couple sait bien que dans ce genre de situation, les clients ne sont jamais les premiers à récupérer leur argent.
Face à la faillite de l’entreprise spécialisée dans la production et l’installation de vérandas, les clients sont impuissants. La société, fondée il y a 30 ans, a fait face à de gros problèmes de gestion financière ces derniers mois. Les 49 salariés, qui ne touchaient déjà plus régulièrement leur salaire ces derniers temps, se voient remettre leur C4.
À la recherche d'un repreneur
"On en est qu'au début de la curatelle, nous confie Me Francis Bringart, le curateur désigné par le Tribunal de l'entreprise du Hainaut pour régler les suites de cette faillite. On cherche toujours un repreneur, et on espère en trouver un car ce serait favorable, notamment pour l'emploi."
Aucun candidat ne s'est manifesté pour le moment. Mais il précise qu'avant de mettre la clé sous le paillasson, le patron de l'entreprise a lui-même cherché quelqu'un. "Il était en négociations en début d'année avec un candidat qui s'est rétracté au dernier moment, ajoute Francis Bringart. Ce repreneur avait pourtant l'air sérieux et solide".
Au mois de janvier, l'administrateur délégué de Vérandas Confort s'apprêtait en effet à déclarer la faillite au moment où le repreneur s'est fait connaître. Mais cela n'a pas abouti, raison pour laquelle il a pris la décision de mettre la clé sous le paillasson. Et d'après le curateur, ce n'est pas de gaieté de cœur qu'il a pris cette décision.
"Il n'a pas disparu dans la nature"
"Il faut être prudent dans la manière dont on juge cette décision. La décision de déclarer sa société en faillite, ce n'est pas facile. Il faut toujours se replacer dans la situation de l'administrateur au moment où il la prend : il a des pressions de tous côtés, notamment au niveau de l'emploi", précise le curateur, qui insiste sur le fait que ce patron collabore avec la curatelle. "Contrairement à ce que je vois parfois, il n'a pas disparu dans la nature. On peut lui reprocher des fautes de gestion mais il les affronte, il est présent", ajoute Francis Bringart.
Mais Fabian et Linda, tout comme les autres clients lésés, ont du mal à digérer le fait que l'entreprise était déjà dans une situation financière difficile au moment où ils ont versé le 2e acompte.
"D'après les échos que nous avons eus, ça fait plusieurs mois qu'ils sont au courant que leur entreprise pique du nez, explique Fabian. Ils ont continué à percevoir des acomptes et à faire semblant d'honorer des commandes, sachant très bien qu'ils n'y arriveraient pas. On s'est mis sur un groupe Facebook regroupant une bonne partie des préjudiciés, et on s'aperçoit que les délais sont toujours les mêmes et qu'ils ont retardé au maximum les échéances en prenant un maximum d'argent."
Si la pratique peut sembler choquante, elle est pourtant tout à fait habituelle dans le cadre d'une société qui fait face à des problèmes de trésorerie. "La vie de la société continue tant qu'il y a des espoirs sérieux de redressement. D'après les premières informations qui j'ai pu recueillir, il y avait des espoirs sérieux", note Me Francis Bringard.
Comment se déroule une curatelle ?
Lorsque une faillite est prononcée, le rôle premier du curateur sera de chercher un repreneur. Si cela n'aboutit pas, il va reprendre le contrôle des comptes du failli afin de "déterminer le passif et reconstituer l'actif" de la société en vendant les biens du failli, en récupérant ses créances, l'argent sur les comptes courants, etc.
L'actif valorisé va alors être redistribué aux créanciers, selon un ordre prévu par la loi. Les créanciers privilégiés spéciaux (banques, fond de capital à risque, vendeurs, fournisseurs) viennent en premier lieu. Suivent les indemnisations des travailleurs puis les créanciers privilégiés généraux institutionnels : l'État belge, l'administration fiscale, l'ONSS. Viennent enfin les créanciers dit "chirographaires", qui n'ont pas de privilège. Ils ne récupèrent de l'argent que s'il reste quelque chose…
Pour espérer se voir rembourser d'une partie de l'acompte, le client qui n'a pas été livré doit introduire une déclaration de créance au tribunal ou au curateur. Mais c'est la crainte de Fabian et Linda : qu'il ne reste rien du tout pour les clients comme eux. Si c'est le cas, ils recevront alors une attestation fiscale d'irrécouvrabilité par le curateur.
Choqué d'arrivé en bout de course
C'est cette situation du client qui vient en dernier lieu qui scandalise Fabian et Linda, tout comme les autres clients de Vérandas Confort.
"Quand une banque perd 600.000 euros, je ne pense pas qu'elle est au bord du gouffre. Quand un particulier en perd ne fut-ce que 15.000, c'est tout l'équilibre financier d'un ménage qui est en bascule", ajoute le quarantenaire. Dans leur cas, 31.000 euros ont été investis pour l'acompte de la véranda, ainsi que 8.000 euros pour l'aménagement de celle-ci. Au total, c'est un prêt de 70.000 euros qui a été contracté par le couple : "C'est un beau budget. Nous travaillons tous les deux dur pour ça", insiste Fabian.
Le Manageois est également révolté par le manque de prévoyance de l'État belge et des banques face aux nombreuses faillites qui surviennent dans notre pays. "Comment peuvent-ils laisser des situations aller aussi loin? Les banques auraient dû voir qu'il y a quelque chose qui n'allait pas chez Véranda Confort. Pourquoi n'ont-ils pas tiré la sonnette d'alarme ?, se demande-t-il. Et l'Etat, selon moi, ne joue pas son rôle parce que des faillites, il y en a énormément…"
Ne pas abandonner son projet
Face à leur situation financière compliquée, Fabian se raccroche au professionnalisme de son cuisiniste, "plus humain", nous dit-il, et qui a accepté de repousser le placement de leur nouvelle cuisine équipée. Le couple a aussi dû trouver un plan B très rapidement car les travaux préalables à la pose de la véranda ont été faits et le chantier ne peut pas rester en l'état trop longtemps.
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"Le projet, moi, je veux le continuer, poursuit Fabian. Les établissements Willems, conscients du problème, vont essayer de nous aider, mais il est clair qu'ils ne savent pas reprendre les créances de Vérandas Confort". D'un point de vue financier aussi, il a dû réagir rapidement : "Je vais devoir puiser dans mon fond d'assurance groupe. J'avais tout budgétisé pour ne pas me mettre le couteau sous la gorge", déplore-t-il.
Le couple compte également faire appel au service d'un avocat à titre personnel car "si la faillite était connue et qu'ils ont continué à percevoir des acomptes, il y a peut-être une ressource au niveau du pénal", estime-t-il.
La responsabilité du failli peut être retenue "dans certains cas, lorsque l’acompte a été versé alors que le vendeur savait ou ne pouvait ignorer que la faillite était imminente et que le contrat ne serait pas exécuté. Dans ce cas, l’escroquerie pourrait être retenue", indique de SPF Justice.
Au contraire, si le juge estime que le failli, en tant que personne physique, est de bonne foi, il pourra redémarrer une nouvelle activité commerciale sans risquer de poursuites des créanciers pour des dettes qui n'ont pas pu être apurées.