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Inès pensait faire une bonne affaire. Lorsqu’elle a lu l’annonce proposant une Volkswagen Polo Comfortline au prix de 15.000€, elle a sauté sur l’occasion. “J’ai directement envoyé un message au vendeur lui disant que j’étais intéressée”, nous explique-t-elle par téléphone, après nous avoir joints via notre bouton orange Alertez-nous. En effet, neuve, cette voiture se vend à partir de 17.670€ en magasin et dans ce cas-ci, le vendeur était prêt à baisser le prix à 11.000€ pour satisfaire Inès. “Le vendeur proposait d’essayer la voiture à Herstal, alors je m’y suis rendue le jour-même avec un ami, décrit la jeune femme. Sur place, tout s’est très bien passé: nous avons pu examiner le véhicule et l’essayer. Le vendeur nous a semblé correct. Il a expliqué qu’il devait partir à l’étranger pour des raisons professionnelles et devait donc se séparer de son véhicule rapidement”.
Une fois l’acompte en poche, le vendeur disparaît
Inès est séduite et accepte les conditions du vendeur: payer un acompte de 800€ et recevoir la voiture quelques jours plus tard. “Il justifiait le délai en disant que la voiture devait passer le contrôle technique et qu’il viendrait la déposer ensuite, précise-t-elle. Il nous a mis en confiance car il a rédigé et signé un reçu pour l’acompte et nous a permis de prendre sa carte d’identité en photo”. Le duo rentre donc confiant à Bruxelles. Mais alors que le jour de la livraison arrive, le vendeur est aux abonnés absents. “J’ai évidemment tenté de le joindre par téléphone et le numéro ne semblait plus attribué, raconte Inès. Après plusieurs essais et vu son silence, j’ai compris qu’il s’agissait d’une arnaque”. La jeune femme vient en effet de se faire avoir. Elle ne reverra ni son acompte de 800€, ni la voiture: le vendeur ne donne plus signe de vie.
Inès insiste pour porter plainte : “On m’a dit que ça ne servirait à rien”
Mais Inès ne se laisse pas faire et agit en deux temps. D’abord, elle scrute le site AutoScout24 à la recherche d’une nouvelle annonce postée par le malfrat. Et la jeune femme a du flair: elle découvre que l’escroc est toujours actif et tente de revendre la même voiture via un autre numéro de téléphone, mais le même e-mail. Ces informations sous le bras, la Bruxelloise va déposer plainte. “Je suis allée dans un premier commissariat où on m’a dit que cela ne valait pas la peine de porter plainte car le montant était trop bas et qu’il n’y avait aucun espoir qu’on retrouve le voleur”, s’insurge-t-elle. Mais la jeune femme ne lâche pas l’affaire: “Je suis allée dans une autre commune, à Saint-Josse, où là, on a accepté de prendre ma déposition”, se réjouit-elle. La jeune femme explique sa mésaventure aux policiers et leur précise que le malfrat est toujours à l’œuvre. “J’ai tout donné: son nom, son prénom, son adresse, la photocopie de sa carte d’identité, les vidéos de lui, les photos de son visage, de la voiture…”, cite la jeune femme.
Identité du voleur, adresse, numéro de téléphone, mail: la police détient toutes les données
La police semblait avoir tout en main pour cueillir l’escroc. Dans un film policier, les agents auraient sans doute organisé un guet-apens et auraient coffré le malfrat en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Mais ça, c’est dans les films. En effet, la police locale ne peut pas intervenir comme bon lui semble: elle doit transmettre le dossier à la police d'Herstal où subit l'arnaqueur. Une transmission qui tarde. Contacté par nos soins, le parquet de Liège concerné par l'affaire se déroulant à Herstal nous a assuré qu'aucune procédure particulière n'est nécessaire pour transmettre un dossier d'un commissariat à l'autre. Ce dossier aurait même été transmis sans délais au commissariat concerné. Pourtant, le malfrat a donc ses méfaits durant plusieurs jours.
Par ailleurs, l’escroc est parvenu à passer à travers les mailles du filet de sécurité mis en place par AutoScout24 pour détecter les arnaques potentielles. Et en l’espace de quelques jours, une deuxième victime a poussé sur le bouton orange Alertez-nous pour raconter qu’elle venait de perdre 2.000€ suite à la même arnaque.
Après Inès, Thomas se fait avoir: malgré les plaintes déposées, l’escroc sévit encore!
Thomas (prénom d’emprunt pour préserver son anonymat, ndlr), a lui aussi été séduit par l’honnêteté apparente du vendeur. “Et pourtant, je suis quelqu’un de très méfiant”, dit-il. Là encore, l’acheteur accepte de verser un acompte. “Il présentait bien, la voiture correspondait en tous points à la description, il avait sa carte d’identité, sa carte bancaire, j’ai donc accepté la transaction”. Thomas donne d’abord 500€ en liquide, puis le vendeur lui réclame plus d’argent. “Il insistait en disant qu’il n’aurait pas assez pour acheter sa nouvelle voiture”, se souvient Thomas, qui accepte de donner l’argent, mais uniquement par virement bancaire. “Il a accepté, et j’ai viré 1.500€”, décrit l’acheteur malheureux.
Mais comme pour Inès, la livraison de la Polo tarde à avoir lieu. Les jours passent, plus de nouvelles. Thomas comprend l’arnaque. “Je suis directement allé à la police (en région de Luxembourg, ndlr)”, explique Thomas, en sachant qu’il sera difficile de récupérer ses 2.000€. Il porte plainte, mais rien ne bouge.
Que fait AutoScout24 pour protéger ses clients? “Il y a trois phases de sécurité”
Le jeune homme affirme avoir été mis en confiance par le sérieux et la bonne réputation du site AutoScout24. “Nous sommes effectivement le plus grand site auto en Belgique depuis 20 ans et nous sommes également leaders du marché européen”, concède Axel Ophoff, responsable marketing de l’entreprise qui précise que la firme est présente en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche et en Italie, notamment. Environ 50.000 voitures d'occasion sont vendues par ce site tous les mois. Il permet aux particuliers de vendre leur voiture gratuitement. “Seuls les professionnels paient une contribution à AutoScout24”, précise Axel Ophoff.
Malgré son expérience considérable dans le domaine, l’entreprise n’a pas été en mesure de protéger Inès, Thomas (et les autres victimes) d’une arnaque. Comment cela est-il possible? La mission principale d’AutoScout24 est de “mettre en relation le vendeur et l’acheteur”, explique le responsable marketing de l’entreprise. Le reste se passe en dehors du circuit. “Nous n’assistons pas à la transaction, rappelle le responsable. Elle se fait en dehors de notre contrôle car notre job se limite à mettre les utilisateurs en contact les uns avec les autres”. L’entreprise assure néanmoins que la sécurité est sa “priorité absolue”.
La communauté d'utilisateurs signale des annonces suspectes
Pour sécuriser les activités des utilisateurs, AutoScout24 agit sur trois piliers. Premièrement, les annonces sont filtrées : “Nous sélectionnons 30% des annonces à l’aveugle et les vérifions, décrit le responsable. L’un de nos employés se charge d’assumer cette tâche. On examine 60 points différents, dont le prix par exemple: est-il fidèle au modèle proposé? S’il y a des soupçons, on demande des pièces justificatives au vendeur”.
Deuxièmement, l’entreprise a listé tous les problèmes les plus courants auxquels peuvent être confrontés les utilisateurs de site de seconde main. Elle distille ses précieux conseils sur l’onglet “Sécurité” de son site internet. “Dès que nous apprenons qu’il existe une arnaque, ou un certain type d’escroquerie, nous l’ajoutons à notre liste, assure Axell Ophoff. Il est capital à nos yeux d’informer correctement nos utilisateurs”. Troisièmement, la communauté d’utilisateurs peut agir. “Si les gens voient quelque chose de suspect, ils peuvent le signaler, informe le responsable. Dès que nous recevons un signalement, nous appelons le vendeur et procédons aux vérifications”. “C’est ce que j’ai pourtant fait”, assure Inès.
Impossible d'identifier la voiture
Selon Axell Ophoff, il n'est plus possible de retrouver parmi les nombreux signalements celui d'Inès. "Il se peut que l'annonce ait été supprimée. Mais si elle a été publiée avec une autre adresse mail et un autre numéro de téléphone", ce qu'affirme Inès après avoir repéré une annonce pour la même voiture avec un autre numéro de téléphone, "nous ne pouvons pas le savoir car c'est considéré comme une toute autre annonce".
Le porte-parole d'AutoScout24 ajoute que s'il s'agit de la même voiture proposée par plusieurs comptes différents, le site ne dispose pas d'élément pour identifier le véhicule. Par exemple, le numéro unique de châssis n'est pas demandé pour publier une annonce. De même, le numéro d'immatriculation qui permettrait d'identifier le véhicule n'est pas renseigné. Il s'agit de données personnelles que l'entreprise n'a pas le droit d'obtenir. Des informations qui peuvent être demandées chez nos voisins hollandais selon AutoScout24. Autant de failles qui ont permis au malfrat de passer à travers les mailles du filet.
Toutefois, en cas de plainte déposée, le parquet peut entrer en contact avec le site et se procurer des données personnelles comme l'adresse IP qui a permis de publier l'annonce. Selon le responsable marketing, l’entreprise n’a eu jusqu’à présent aucun retour dans ce sens concernant des escroqueries potentielles.
Le conseil d’AutoScout24: “Mieux vaut payer d’un coup et repartir directement avec la voiture”
Comment Inès et Thomas auraient-ils pu éviter de se faire arnaquer? Ont-ils eu raison d’accepter de payer un acompte et de se faire livrer leur voiture plus tard? “On suggère toujours aux acheteurs de s’arranger pour payer la somme totale du véhicule d’un coup et grâce à ça, de repartir immédiatement à bord du véhicule, conseille le responsable marketing. Donc on regarde, on teste le véhicule et s’il nous plaît, on repart directement avec, sans attendre, c’est la meilleure manière de faire”. Le hic? En Belgique, il n’est pas permis de retirer plus de 3.000€ au guichet, une limitation censée accroître la lutte contre le blanchiment d’argent. “C’est vrai, donc, il faut pouvoir s’organiser autrement, c’est parfois compliqué”, reconnaît AutoScout24.
Dans le cas d'Inès et Thomas, un homme a finalement été arrêté comme confirme la police d'Herstal. Selon les informations du Parquet de Liège, il a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Liège. Six victimes se sont déclarées victime dans ce dossier. L'escroc a écopé d'une peine de probation autonome d’une durée de 2 ans (soit le maximum) avec peine subsidiaire d’emprisonnement d’un an.