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Cela ne vous aura pas échappé qu'à tous les niveaux, on cherche des économies d'énergie. Pour des raisons économiques, mais aussi et surtout pour des raisons écologiques, car on le sait, la production d'énergie a un coût pour l'environnement.
Récemment, plusieurs personnes ont contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous car elles s'interrogent sur la consommation électrique des smartphones. Et ces questionnements sont doublement liés à la cause écologique, car ils sont arrivés en marge des "Jeudis pour le climat" durant lesquels des dizaines de milliers de jeunes Belges ont défilé dans le pays.
"Je me pose une question: est-ce que tous ces jeunes manifestants vont déjà se priver de leurs smartphones qui polluent ? Car aux manifestations, on les voit tous en train de se servir de leur GSM", se demande Roger. La remarque semble digne d'un schtroumpf grognon qui voit le négatif partout, mais elle a sa raison d'être. Utiliser un smartphone est-il vraiment un acte polluant ?
On a rassemblé quelques experts pour mieux cerner le problème, car il évoque plusieurs problématiques.
Que consomme un smartphone ?
La première d'entre elle, la plus évidente, c'est la quantité d'énergie nécessaire pour faire fonctionner un smartphone. C'est l'équipement électronique de loin le plus populaire dans les pays développés, le plus souvent utilisé, le plus souvent cassé, le plus souvent acheté. Mais est-il un grand consommateur d'énergie ?
"On sait que globalement, lorsqu'un smartphone est en marche et qu'il effectue des tâches intensives, on parle d'environ 1W de puissance dissipée", nous a expliqué Dragomir Milojevic, professeur à l'Ecole Polytechnique de Bruxelles (ULB).
1 Watt, c'est finalement peu comparé au reste des appareils électriques ou électroménagers que nous utilisons (certes souvent moins régulièrement que notre smartphone). Un fer à repasser, c'est environ 2.400 Watts. Une plaque de cuisson entre 1.200 et 2.500 Watts selon la taille. Comptez entre 20 et 60 Watts pour une télévision LED allumée.
Les Belges achètent environ 3 millions de smartphones par an (chiffres 2016 et 2017). Partons du principe que leur durée de vie moyenne est de deux ans (les experts ne sont pas d'accord, on a pris une moyenne des estimations): on peut en déduire qu'il y a environ 6 millions de smartphones actifs en ce moment (chiffre à prendre avec des pincettes). La consommation annuelle des smartphones en Belgique s'élèverait donc à environ 42 millions de kWh.
Comparons à un autre appareil qu'on utilise tous les jours: le frigo. Notre royaume comptait 5 millions de ménages privés début 2018, donc 5 millions de frigos potentiels. Ceux-ci ont une consommation annuelle moyenne de 306 kWh, donc ils représentent 1.530 millions de kWh sur l'ensemble du pays. C'est 36 fois plus que ce nos smartphones consomment.
La consommation varie selon les composants comme l'écran, la puce ou le modem 4G
Quelles sont ses composantes qui ont le plus besoin d'énergie ? "Au niveau des proportions, le plus gros consommateur, surtout si sa luminosité est élevée, c'est l'écran. Cela va représenter entre 30 et 50% de la consommation totale". Ensuite viennent les parties 'calculs', "donc le cerveau du téléphone, c'est entre 25 et 30%, selon qu'il s'agit des unités graphiques ou des processeurs normaux". Il faut également compter sur une certaine consommation de la partie communication (modem 4G ou puce Wi-Fi), mais elle est de plus en plus optimisée.
"La consommation est directement proportionnelle à ce que l'on fait", rappelle le professeur de l'ULB, même si ça semble évident, "elle va tomber pratiquement à 0 si notre téléphone est en veille".
La technologie de fabrication de circuits intégrés est parvenue à diminuer la consommation de façon considérable ces dernières années
Si le smartphone se contente de si petits besoins en énergie, c'est qu'il doit faire avec une contrainte de base: la capacité de la batterie. On pourrait en parler des heures, mais en résumé: marché très dynamique, la téléphonie mobile a fait des progrès colossaux ces dernières années à tous les niveaux, sauf celui des batteries. En 30 ans, leur principe de fonctionnement chimique est le même, on en a parlé dans cet article.
La capacité des batteries n'évoluant pas vraiment (les smartphones grandissent, mais s'affinent et ne laissent donc pas plus de place), tous les autres composants doivent faire avec. C'est pourquoi les principaux acteurs concernés (fabricants de puces et d'écran), se démènent chaque année pour parvenir à augmenter les performances sans faire chuter l'autonomie.
Confirmation de notre expert. "La technologie de fabrication de circuits intégrés est parvenue à diminuer la consommation de façon considérable ces dernières années, même si les fonctionnalités augmentent". Il va même plus loin concernant le rapport avec la batterie. "Quand on conçoit un smartphone, on impose que sa consommation soit de 1W, pour que l'appareil tienne une journée, et qu'on doive faire un chargement par jour maximum. Les ingénieurs font tout pour y arriver".
Donc, si les smartphones consomment peu, c'est parce qu'ils y sont contraints par les capacités stagnantes des batteries.
Un petit conseil d'expert en passant: essayez de bannir cette très mauvaise attitude qui consiste à consulter frénétiquement votre smartphone. "La dynamique (de l'utilisation d'un smartphone) est gigantesque. Si vous prenez votre téléphone toutes les 10 secondes, il va passer d'un mode 'veille' dans lequel il ne va consommer pratiquement rien, à un mode plein ou dans lequel il va consommer beaucoup d'énergie". Cette habitude entraîne une consommation moyenne très importante, alors que si on concentre les tâches sur des périodes plus longues mais moins fréquentes, le smartphone tiendra plus longtemps.
Un smartphone à 1.500€ consomme-t-il plus ou moins qu'un smartphone à 100€ ?
Les smartphones sous Android, le système d'exploitation mobile le plus populaire au monde, représentent un marché très vaste. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Mais y a-t-il des différences en termes d'efficacité énergétique ?
"Les smartphones haut de gamme ont recours à des technologies de fabrication de circuits intégrés (la matière première de l'électronique, si on veut) qui sont vraiment de pointe. On imprime des choses dans un circuit intégré, un peu comme une photo. Imaginez qu'un pixel, donc l'équivalent du plus petit élément qu'on imprime sur un circuit intégré, a la taille de quelques dizaines d'atomes. Donc les processus pour permettre la fabrication d'un tel système sont très chers à mettre en place, et chers à utiliser. Ça se traduit immédiatement dans le cout de fabrication d'un appareil", explique le professeur Milojevic.
Concrètement, quel est l'impact sur la consommation énergétique ? "Avec un smartphone plus cher, vous pourrez faire beaucoup plus avec le même niveau d'énergie". Donc tout en restant à 1W de puissance nécessaire, un smartphone haut de gamme a une puissance de calcul bien plus importante qu'un smartphone bas de gamme. Faire tourner un jeu vidéo, regarder une série en streaming, passer d'une application à l'autre: tout ira plus vite et sera plus fluide avec un appareil "cher", alors que la batterie ne sera guère plus affectée.
Mais les deux appareils consomment la même quantité d'énergie à plein régime, à savoir environ 1W.
Combien ça coûte de recharger un smartphone pendant un an ?
Faible consommation, donc, qui se traduit par un faible coût d'utilisation au niveau de l'énergie. Mais quel est-il exactement ?
Des confrères ont réalisé leurs propres mesures dans un article récent. La batterie de leur iPhone était à plat après une journée d'utilisation en moyenne, ils l'ont mis à charger durant une nuit. Ils ont mesuré que cela avait généré une consommation d'énergie moyenne équivalente à 19,2 Wh. Multiplié par 365 nuits de charge, cela équivaut à 7 kWh.
En Belgique, le prix moyen du kWh tourne autour des 10 centimes, hors TVA, hors redevance annuelle, hors couts de réseau (soit un quart de votre facture). Cela vous coûte donc 70 centimes d'euros par an pour charger votre smartphone. Et si votre usage est raisonnable et votre appareil équipé d'une bonne batterie, vous tenez deux jours. Dès lors, ça vous coutera seulement 35 centimes par an !