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Dans le monde entier, les combattants du mouvement jihado-salafiste, dont la plupart sont affiliés à Al-Qaïda ou au groupe rival Etat islamique (EI), ne peuvent que constater la réussite des "étudiants en religion" afghans, au pouvoir à Kaboul dès après le départ des troupes américaines, 20 ans après en avoir été chassés.
"Ca donne aux jihadistes un formidable élan. Cela leur fait croire qu'ils peuvent expulser une puissance étrangère, même une majeure telle que les Etats-Unis", estime Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center, un think-tank de géopolitique new-yorkais.
"Je m'attends à un solide bombardement de propagande, culminant avec le 20e anniversaire des attaques du 11 septembre (2001). Cela va gonfler le moral des jihadistes, de l'Afrique du Nord jusqu'en Asie du Sud-Est".
Le cas afghan n'est pas nécessairement duplicable ailleurs car tous les groupes actifs ne combattent pas de puissances étrangères. L'exemple du Sahel, où la France a récemment annoncé un retrait d'une partie de ses 5.100 soldats au profit de forces spéciales européennes, après plus de huit années de présence, est très différent du dossier afghan.
Mais "la conquête de l'Afghanistan par les talibans est quelque chose qui va enhardir les jihadistes partout", convient Aymenn Jawad Al-Tamimi, chercheur pour le programme sur l'extrémisme de l'Université George Washington (Etats-Unis). "C'est pertinent dans le contexte ouest-africain, où ont émergé toutes ces discussions sur les négociations avec le GSIM", le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda.
La "résistance des peuples"
Les talibans ne se sont pas contentés de laisser pourrir la situation. Tout en faisant la guerre, ils ont négocié avec les Américains et le gouvernement afghan et avancé leurs pions avec les milices locales, clans et tribus qui font la mosaïque nationale.
Mais symboliquement, leur triomphe permet de convaincre les militants que "s'ils continuent à se battre, leurs adversaires finiront par s'effondrer", ajoute le chercheur irakien.
Depuis 24 heures, les réseaux sociaux relaient moult commentaires de propagande de la sphère jihadiste. Dont celui du mouvement Hamas, selon lequel ce succès "prouve que la résistance des peuples, au sommet desquels notre peuple moudjahidine palestinien, mènera finalement à la victoire et à la réussite de ses objectifs de liberté et de retour, avec la permission d'Allah".
L'agence de propagande d'Al-Qaïda, Al-Thabat, assure pour sa part que "les musulmans et moudjahidine du Pakistan, Cachemire, Yémen, Syrie, Gaza, Somalie et Mali célèbrent la libération de l'Afghanistan et son application de la charia".
Du côté de l'EI, la question est plus épineuse. Quand Al-Qaïda a prêté allégeance aux talibans, l'EI les a qualifié d'apostats. En Afghanistan, la haine est d'autant plus tenace que l'Etat islamique au Khorasan (ISKP) a été créé par des transfuges talibans.
Mais l'EI ne profite pas moins de l'effondrement de l'Etat afghan. "Dr. Q", un spécialiste occidental de l'EI, qui publie sous ce pseudonyme ses recherches sur Twitter, a ainsi relevé 216 attaques de l'ISKP entre 1er janvier et 11 août, contre 34 l'an passé à la même période.
Réminiscence de l'Irak en 2011
"Cela fait de l'Afghanistan une des provinces de l'EI les plus dynamiques", assure-t-il. "Tout n'est pas directement lié au retrait américain mais la victoire des talibans donne de l'air aussi à l'ISKP".
Au-delà des haines fratricides, il pointe des convergences d'objectifs: "L'EI communique régulièrement sur le fait que les Occidentaux ne peuvent rester éternellement" en terre étrangère; à cet égard, le triomphe des talibans "légitime leur façon de faire".
Colin Clarke rappelle lui aussi que le chaos et la guerre constituent les conditions élémentaires du développement de tout groupe jihadiste, quelle que soit son obédience. "L'effondrement de l'armée afghane est une étrange réminiscence de ce que nous avons vu en Irak en 2011. Je crains que la même situation se reproduise en Afghanistan, avec simultanément le développement de l'EI et la résurrection d'Al-Qaïda".
Là réside peut-être la plus grande leçon que les talibans aient livré à la sphère jihadiste mondiale: patience et détermination peuvent triompher, quel que soit l'ennemi. Un enseignement galvanisant pour tous les mouvements aux ambitions locales, adversaires ou alliés des nouveaux patrons de Kaboul.
"Pour beaucoup de groupes qui poursuivent un agenda local, les talibans ont constitué l'archétype de la bonne application de cette stratégie", constate froidement, dans une vidéo postée sur Youtube, Charles Lister, chercheur au Middle-East Institute.