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Indigène aymara, étoile montante de la politique, maire d'une ville d'un million d'habitants qu'elle a ravie au parti officiel, Soledad Chapeton incarne un autre visage de l'opposition bolivienne, dont elle s'efforce de briser l'image d'élite blanche occidentalisée.
A 38 ans, "la Sole" n'est pas une nouvelle venue : élue dès 2006 à l'Assemblée constituante qui a rédigé la dernière Constitution du pays, elle avait présenté en 2010 sa première candidature à la mairie d'El Alto, ville voisine de la capitale, La Paz, située à plus de 4.000 mètres d'altitude.
Elle parviendra à ses fins cinq ans plus tard en remportant ce bastion du Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti du président Evo Morales.
Fille d'un policier et d'une commerçante "pas du tout politisés", Soledad Chapeton, plus jeune d'une fratrie de six enfants, dont deux sont décédés en bas âge, s'est jetée dans l'arène politique, soutenue par sa mère. "Vas-y, lance-toi, fais, tu es jeune, tu es célibataire", lui avait-elle dit.
- Femme et métisse -
Elle adhère au petit parti de centre-droit Unité nationale du millionnaire et ex-candidat à la présidentielle Samuel Doria Medina. Elle en devient vice-présidente en 2010.
Des liens avec le magnat du ciment et du fast-food que ses détracteurs lui reprochent: "Cette critique vient de ceux du MAS. Ils disent +c'est bizarre de voir une aymara, une métisse proche des néo-libéraux, de la droite+. Pas mal de gens qui s'autoproclament de gauche se comportent comme des gens de droite", explique-t-elle à l'AFP.
L'UN, selon elle, "n'est pas un parti de droite, mais de gauche démocratique, qui défend l'intégration", et ajoute qu'"on ne devrait pas ranger dans des catégories les gens parce qu'ils portent ou pas une +pollera+ (la jupe traditionnelle bolivienne), parce qu'ils ont la peau claire ou foncée, s'ils ont eu la chance ou non d'aller à l'université".
"Un adversaire m'avait surnommée la +yankeemilla+" (contraction de yankee, pour nord-américain, et "emilla", fille indigène), se souvient-elle.
En Bolivie, où 60% de la population est indigène, et où le chef de l'Etat ne manque jamais une occasion de défendre le multiculturalisme de la nation, la maire refuse que le MAS ait le monopole de l'indigène.
Face au socialisme d'Evo Morales, premier président de gauche du pays au pouvoir depuis 2006, Soledad Chapeton défend le droit à l'ascension sociale et économique : "Est-ce si mal de s'élever socialement ? Si tu gagnes mieux ta vie, c'est mal ?"
Racisme, machisme... "La vie politique ne m'a pas épargnée", lâche-t-elle. "Mais je savais qu'en entrant dans la vie politique, je faisais de moi une personne publique. Que ça te plaise ou non, tu es la cible de commentaires".
En 2016, sa mairie est saccagée et incendiée. Six personnes périssent dans les flammes. Pour l'édile, l'opération a été dirigée par d'anciens fonctionnaires proches du MAS, sous le coup d'une enquête pour des faits de corruption présumée.
- Invitations -
Bottines à talons hauts, parka au blason de sa ville, la trentenaire aux cheveux de jais vit avec sa mère et explique, sybilline, qu'elle partage sa vie "avec quelqu'un avec qui elle a d'autres activités en commun".
Quatre jours après l'élection présidentielle du 20 octobre, alors qu'on ne connaît toujours pas les résultats et que le dépouillement prend une tournure polémique, une manifestation ralliant El Alto à La Paz rassemblera des milliers de personnes, dont Soledad Chapeton qui dénonce alors "un manque de transparence".
"S'ils veulent gagner, qu'ils gagnent, mais qu'ils gagnent proprement", s'emporte-t-elle, jugeant que la contestation n'est "ni un appui" au rival de centre droit Carlos Mesa "ni une haine d'Evo".
Le problème, c'est ce "doute qui entache le scrutin". Comme toute l'opposition, elle réclame une annulation du vote.
"Sans l'avoir cherché, je suis reconnue comme une figure de l'opposition de l'actuel gouvernement", reconnaît-elle, confiant avoir reçu des "invitations à être candidate à la vice-présidence, à être députée ou sénatrice".
Si certains l'imaginent déjà convoiter la fonction suprême, elle affirme ne pas y penser et assure vouloir d'abord s'occuper de sa ville, qui accueille une majorité de paysans immigrés aymaras.