Partager:
Des dîners parisiens aussi luxueux que clandestins, malgré la pandémie ? Le procureur de Paris Rémy Heitz a ouvert dimanche une enquête pénale après un reportage de M6 sur de telles agapes interdites, alors qu'un organisateur s'est finalement rétracté après avoir affirmé anonymement que des ministres y participaient.
La chaîne privée avait diffusé vendredi soir un reportage en caméra cachée dans un lieu présenté comme "un restaurant clandestin situé dans les beaux quartiers", où les participants et les serveurs ne portent pas de masques et ne respectent pas les gestes barrières.
M6 avait aussi diffusé d'autres images d'une soirée payante privée, où des dizaines de convives apparaissaient sans masque, certains se faisant la bise. Le tout au mépris des interdictions édictées pour freiner la propagation du Covid-19.
Une enquête est ouverte
Le procureur de la République, Rémy Heitz, a annoncé dimanche en fin de journée avoir saisi "la Brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) de la police judiciaire parisienne d'une enquête des chefs de mise en danger d'autrui et de travail dissimulé", afin de "vérifier si des soirées ont été organisées en méconnaissance des règles sanitaires et de déterminer quels en ont été les éventuels organisateurs et participants".
L'un des organisateurs interviewés par M6, et présenté comme "collectionneur", affirmait en voix off déguisée: "J'ai dîné cette semaine dans deux ou trois restaurants qui sont soi-disant des restos clandestins, avec un certain nombre de ministres."
Au vu des images de M6 et de leurs précédentes publications sur les réseaux, cet homme a été identifié par plusieurs médias et internautes comme Pierre-Jean Chalençon, propriétaire du "Palais Vivienne", situé dans le centre de Paris.
L'accusateur plaide l'"humour"
M. Chalençon, à travers un communiqué de son avocat adressé à l'AFP dimanche soir, a implicitement reconnu être cette source. Mais il a plaidé qu'il faisait seulement de "l'humour" et maniait "le sens de l'absurde", quand il avait assuré que des ministres participaient à de tels repas.
Dans une vidéo en février, il indiquait organiser dans sa résidence des "déjeuners ou dîners" avec le restaurateur Christophe Leroy. Celui-ci n'a pas répondu à l'AFP.
Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, "doit venir dîner prochainement", lançait aussi en février M. Chalençon.
En réponse, Gabriel Attal a fait savoir qu'il avait "découvert cet extrait ce (dimanche) soir sur Twitter avec beaucoup d'étonnement". "Il ne connaît pas M. Chalençon et n'a évidemment jamais participé à un quelconque dîner ou soirée", a indiqué son entourage. M. Attal avait d'ailleurs exclu dans la journée la présence de quiconque du gouvernement à ces dîners.
Sur Twitter, la polémique enfle sous le hastag #OnVeutLesNoms
Dimanche, la polémique a fait réagir Twitter, sous le mot-dièse #OnVeutLesNoms, mais aussi les ministres dans les émissions dominicales.
Au Grand rendez-vous Europe1/Les Echos/Cnews, la ministre déléguée à la citoyenneté Marlène Schiappa avait ainsi estimé: "si des ministres ou des députés" ont bien eu leur couvert lors de tels dîners clandestins, "il faut qu'ils aient des amendes et qu'ils soient pénalisés comme n'importe quel citoyen". Plus tard, sur Twitter, elle a approuvé une internaute qui estimait que si c'était avéré, les ministres devaient "dégager fissa" du gouvernement : "Ça va de soi. Avec une amende", a tweeté la ministre.
La règle est la même pour tout le monde, assure Darmanin
Lors du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, avait semblé sceptique: "Tous les ministres, sans exception, respectent la règle".
Lors d'une visite d'un centre de vaccination à Marcq-en-Baroeul (Nord), le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a précisé que "soit (ces faits) sont faux et il ne faut pas jeter l'opprobre évidemment, soit ils sont vrais et évidemment (...) les personnes doivent pouvoir être poursuivies et, j'imagine, condamnées pour avoir organisé de telles soirées."
"C'est tout à fait inacceptable", a poursuivi M. Darmanin. "Tous les jours, les services de police et de gendarmerie interviennent (...) dans les quartiers populaires parce qu'il y a des barbecues géants, parce que les gens ne respectent pas le confinement. Il est évident que dans les plus beaux quartiers de la capitale, la règle est la même pour tout le monde. Il n'y a pas deux types de citoyens avec ceux qui ont le droit de faire la fête et ceux qui n'auraient pas le droit", a-t-il insisté.
M. Darmanin a saisi la préfecture de police de Paris d'une enquête administrative.