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"J'ai un passé honnête, c'est tout parti en 3 minutes à cause de voyous": à l'ouverture de son procès lundi à Nice, le bijoutier Stephan Turk a assuré avoir tiré "instinctivement" et par "peur de mourir" quand il a tué le jeune qui venait de braquer sa boutique en septembre 2013.
Il a maintenu cette version malgré la diffusion à l'audience des images de vidéosurveillance de son magasin, le montrant juste après l'agression bondir d'un pas leste, armé, regarder sous le rideau métallique à demi-ouvert, s'agenouiller en position de tir et faire feu deux puis trois fois en direction du scooter sur lequel sa victime et son complice venaient de démarrer sur le trottoir, avec le butin dans un sac.
"Je voulais m'arranger avec eux", "récupérer mes affaires", "parler", "l'arme c'était pour équilibrer les forces", explique l'ancien commerçant d'origine libanaise devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes qui le juge jusqu'à vendredi pour homicide volontaire et détention illégale d'arme.
"Pourquoi aviez-vous une arme avec de vraies balles et un gros calibre dans votre magasin?", "Pourquoi ne pas vous être jeté sur votre téléphone pour appeler la police ou les secours ?", questionne le président de la cour Patrick Véron.
Dans un français approximatif et teinté d'un fort accent, l'accusé de 72 ans répond qu'il avait été victime un an avant d'une équipe de braqueurs, qui s'étaient volatilisés dans la nature avec sa marchandise, une affaire jamais élucidée: "Il y a un an avant, tout le monde il appelle la police mais il vient pas!".
Né à Beyrouth, arrivé en France en 1983 pour fuir la guerre puis naturalisé, il comparaît libre mais encourt 30 ans de réclusion: "Je te dis, ma vie, moi je suis un mort-vivant maintenant", s'énerve-t-il face à un avocat de la famille du jeune délinquant.
"Deux morts sur la conscience"
Après avoir affirmé dans ses premières dépositions qu'il voulait immobiliser le deux-roues, il insiste désormais pour dire que l'un des deux malfaiteurs l'a mis à nouveau en joue avec un fusil à pompe, ce que l'avocate générale Caroline Chassin a mis en doute: "Mais comment est-ce possible?", a-t-elle lancé, mimant la scène.
En 2013, il avait reçu le soutien d'une partie de l'opinion publique et de la classe politique, qui s'étaient emparés du fait divers pour manifester leur ras-le-bol de la délinquance. A l'occasion de son procès, le Front national a de nouveau fait part de son soutien à M. Turk, tout comme le maire LR de Nice Christian Estrosi: "Il est temps de réformer la légitime défense", a tweeté ce dernier.
"Y a pas légitime défense du moment où l'on tire dans le dos de quelqu'un, j'ai appris la loi par coeur. Il (M. Turk) a deux morts sur la conscience, on a été salis, mon père est mort de chagrin", rétorque une des soeurs de la victime, Antony Asli. Son frère avait déjà un casier judiciaire chargé au moment de sa mort. "Il a fait des bêtises mais c'était un enfant de 19 ans avec un âge mental de 10 ans", ajoute celle qui était sa fiancée, et a baptisé leur fille, née après le drame, Antonia.
"Elles ont besoin de la même justice que tout le monde", défend l'un de leurs avocats, Me Christian Scolari. "Tirer dans le dos, c'est le far west, la loi du Talion, la vengeance privée", dénonce son collègue, Me Philippe Soussi.
Sur le banc des parties civiles, la famille a fondu en sanglots en revoyant les images du braquage, une scène de 2 minutes 43 déjà visionné au procès du deuxième braqueur, qui a été condamné à dix ans de prison en appel.
Depuis 2015, 800 commerçants de Nice ont été équipés d'un bouton d'alerte pour contacter la police, un accessoire courant dans les pays à la criminalité élevée.