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Privés une nouvelle fois de cours et de relations sociales, inquiets pour leur avenir, les étudiants sont particulièrement fragilisés par le reconfinement, qui pourrait miner leur moral et leur santé ainsi qu'exacerber leurs problèmes psychologiques, s'inquiètent des médecins.
Ce nouveau confinement, Marion (son prénom a été modifié), 24 ans, le vit comme une injustice.
"Nous, étudiants, sommes les seuls avec les personnes âgées à n'avoir aucune raison de sortir de chez nous. Je vois mes parents aller encore au travail, mes cousins se rendre au lycée, et moi je me sens super isolée", confie cette étudiante en dernière année de master d'une grande école.
La vie s'est un peu arrêtée pour elle avec l'instauration du couvre-feu. "Plus de soirées, plus de sport, plus rien..." Puis le nouveau confinement décrété pour endiguer la deuxième vague de l'épidémie de Covid-19 a sonné le glas des cours en présentiel, qui n'avaient parfois repris qu'en pointillés, dans l'enseignement supérieur.
"Pendant le premier confinement, on se connectait tous ensemble avec ma promo, mais cette fois-ci plus du tout. On sent que tout le monde est un peu à bout", souffle-t-elle.
Jeudi, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la création de 1.600 emplois étudiants afin que chaque résidence universitaire dispose de deux référents. Objectif affiché: éviter l'isolement des étudiants, détecter les situations de mal-être et les orienter vers les services compétents.
Depuis la rentrée, les demandes de prises en charge affluent. "Le système est déjà englué en temps normal, mais en ce moment c'est carrément saturé", alerte Dominique Montchablon, psychiatre, cheffe de service de la Fondation santé des étudiants de France.
Selon elle, la distanciation physique et le télé-enseignement ont entamé un facteur de résilience essentiel à cette classe d'âge: l'"identité de groupe".
La population étudiante est actuellement confrontée à un cumul de facteurs de stress, poursuit-elle: des inquiétudes pour leur santé ou celles de leur proches, des tensions familiales quand ils ont dû retourner vivre chez leurs parents, un sentiment de solitude quand, à l'inverse, ils se sont confinés seuls. Le tout à ajouter aux angoisses pour leurs études et leur avenir...
- "Résignation" -
Pendant le premier confinement, près d'un étudiant sur trois (31%) a présenté des signes de détresse psychologique, selon une récente étude de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE). Les étudiants étrangers et en difficulté financière sont apparus particulièrement fragiles.
"La situation sanitaire couplée à une désocialisation et un décrochage avec les études ont fait émerger des symptômes anxieux, observe Emmanuel Weiss, médecin chef d'un bureau d'aide psychologique universitaire (Bapu) à Paris.
Depuis septembre, le nombre d'appels et de demandes de prise en charge a été multiplié par deux, ajoute-t-il.
"Les étudiants font partie des populations très éprouvées par le premier confinement et ils le sont de nouveau avec le deuxième", affirme Nicolas Franck, psychiatre au centre Le Vinatier (à Lyon) et auteur de "Covid-19 et détresse psychologique - 2020, l'odyssée du confinement" (Odile Jacob).
"Ils vivent souvent seuls, dans de petites surfaces, sont privés de liens amicaux et parfois en grande précarité", relève-t-il.
Contrairement au premier confinement, Jules (prénom modifié), 24 ans, n'est pas retourné vivre chez ses parents dans le sud de la France.
"Je suis resté à Paris avec deux colocataires et je me suis dit que j'allais essayer de continuer à vivre malgré toutes les contraintes", explique-t-il.
Tout juste diplômé de l'ESCP (une école de commerce), il a choisi de poursuivre ses études en s'inscrivant à un master de philo pour prendre le temps de réfléchir à ce qu'il avait vraiment envie de faire.
"Avant, on était certain de trouver du boulot tout de suite en sortant de mon école, maintenant il y a beaucoup plus d'incertitudes pour l'avenir".
Si le premier confinement a été un "choc" et qu'il a "paniqué" pour lui et sa famille après avoir attrapé le Covid, il vit la période actuelle avec une forme de "résignation" et de "lassitude". Mais reste malgré tout optimiste: "je ne doute pas que la vie d'avant pourra revenir un jour".