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Notre chroniqueur Alain Raviart a interrogé Paul Magnette sur la campagne du Parti socialiste et les nombreuses promesses évoquées par son clan pour les prochaines élections fédérales, régionales et européennes de mai.
Alain Raviart: Monsieur Magnette, je trouve que la campagne du PS ressemble aujourd'hui à une forme d'oxymore (ndlr: figure de style consistant à allier deux mots de sens contradictoires, ex: "une douce violence"), c'est-à-dire qu'il y a une inflation de la gratuité. Vous avez parlé des plats et des repas à l'école, il y a les transports publics à Bruxelles, gratuité… médecins généralistes, gratuité… dentistes, gratuité… la TVA sur l'électricité de 21 à 6%... la semaine des 4 jours payée 5. Est-ce que franchement c'est sérieux tout ça?
Paul Magnette: Oui c'est sérieux. D'ailleurs vous allez voir que nous allons chiffrer chacune des mesures. On ne dit pas qu'on va faire tout tout de suite. On ne dit pas que tout sera gratuit tout de suite. Il y a des mesures qui sont assez simples à faire. Je prends l'exemple de l'accès au médecin généraliste. Le rendre gratuit, est-ce que vous savez combien ça coûterait?
Alain Raviart: Par rapport à ce que paie aujourd'hui le patient, ce serait 25%?
Paul Magnette: Non, non. Ça coûterait 300 millions d'euros. C'est-à-dire que c'est moins de 1% du budget de la santé.
Alain Raviart: Ah oui si vous prenez le budget total…
Paul Magnette: Or on sait que les patients qui vont chez le généraliste, qui sont bien soignés, chez qui on décèle rapidement un problème de santé, ils ne devront pas aller plus tard chez le spécialiste ou à l'hôpital. Donc c'est quelque chose sur laquelle on pourra faire une réelle économie.
Alain Raviart: Vous parlez de cercle vertueux. Mais on voit bien avec le fédéral aujourd'hui, on parlait de cercle vertueux par rapport à l'économie de l'emploi, et on voit qu'il y a une tuile de 7 milliards. Donc c'est chaque fois des plans sur la comète.
Paul Magnette: Non. Je vous assure monsieur Raviart, vous le verrez, parce que de toute façon nous avons soumis ces propositions au bureau du plan, qui va les chiffrer et qui va nous dire si c'est faisable ou pas faisable. Et à chaque fois on propose des recettes: la taxe sur la fortune, une meilleure lutte contre la fraude fiscale, la taxe sur le grand capital… Tout ça, ça peut rapporter au moins 5 milliards d'euros. Et avec ça on peut financer les mesures qu'on préconise.
Alain Raviart: Et pourquoi ne pas l'avoir fait depuis 30 ans? Vous voyez, on a l'impression qu'il y a une recette magique qui tombe du ciel, ah bah tiens on va le faire maintenant. Alors que ça pouvait se faire avant.
Paul Magnette: Vous oubliez que sous le gouvernement précédent où nous étions, nous avons fait par exemple le plan cancer. C'est presque 1 milliard d'euros de moyens supplémentaires qui ont été donnés pour lutter mieux contre le cancer. Ça a bénéficié surtout à des femmes. C'est des grandes mesures progressistes qui ont été prises à l'époque par Laurette Onkelinx, ministre de la Santé. Donc ce sont des choses que nous avons faites. Quand nous avons fait les 38 heures, ce n'est pas il y a si longtemps que ça. On a réduit le temps de travail sans réduire le salaire. Ça a donné davantage de confort aux gens. Donc chaque fois, nous notre marque de fabrique en tant que socialistes, c'est d'être ambitieux. Mais chaque fois, on explique comment on le fait. On ne promet pas que demain tout sera gratuit. Vous évoquez les transports en commun. Certains disent "tous les bus gratuits".
Christophe Deborsu: C'est le PTB qui dit ça.
Paul Magnette: On voit à Dunkerque par exemple, que d'abord ça ne fait pas diminuer la pression automobile. Ceux qui prennent les transports en commun, ce sont ceux qui allaient avant à pied ou bien ne se déplaçaient pas. On voit aussi que ça provoque un problème de saturation. Il faut d'abord investir dans l'offre. Dans ma ville à Charleroi, le métro aux heures de pointe le matin et en fin de journée, il est complètement bondé. Je le prends de temps en temps, on est comme des sardines dans une boite. Parce que c'est l'heure où les enfants vont à l'école et puis retournent de l'école et où beaucoup de gens vont travailler. Donc ça ne sert à rien de dire que tout ça sera gratuit, comme ça du jour au lendemain, il faut cibler les choses. Par contre c'est vrai qu'entre 9h et 16h, il y a beaucoup de bus et de trams qui ne sont pas du tout complets. Et donc on pourrait avoir des mesures de gratuité ciblées à ce moment-là. Et puis il faut renforcer l'offre. Notre différence, au sein de la gauche, c'est que nous sommes ambitieux, mais nous nous sommes aussi crédibles. Quand nous présentons des mesures, ce sont des mesures sérieuses avec des chiffres derrière.