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Sergueï, ancien espion russe: "Bruxelles fait partie des points chauds pour l'espionnage"

Sergueï Jirnov a travaillé pour le KGB (ancien service secret russe) de 1984 jusqu'à la fin de l'Union soviétique puis un an encore. Pour lui, les espions russes sont partout dans la capitale belge, Bruxelles. Nous lui avons posé 5 questions :

1. Combien y'a-t-il d'espions russes à Bruxelles ?

Sergueï Jirnov:  "Bruxelles fait partie des points chauds pour l'espionnage. Même si votre pays - excusez-moi – ne représente pas beaucoup d'intérêt pour l'espionnage russe ; vous représentez un intérêt énorme pour l'espionnage parce qu'à Bruxelles, il y' a d'un côté le siège de l'OTAN, de l'autre côté celui de la Commission européenne. Vous devenez quasiment la capitale mondiale. La Belgique se place au deuxième rang des pays qui intéressent l'espionnage russe après les États-Unis, évidemment, où il y a Washington et le siège des Nations unies à New York. Le troisième pays est la Suisse avec toutes les organisations internationales. On peut dire qu'en Belgique, il y a minimum une cinquantaine d'espions russes et maximum une centaine qui travaillent en permanence : soit à l'ambassade de Russie en Belgique, soit à la représentation diplomatique de l'union soviétique auprès de l'OTAN, soit auprès de la Commission européenne si une telle représentation existe."

2. Quelles couvertures (appelés aussi 'Légendes' en France) possèdent ces espions ? Quelles professions pratiquent-ils ?

Sergueï Jirnov:  "Toutes les professions peuvent être utilisées comme couverture. Les diplomates, leur personnel, les commerçants, les journalistes et juristes internationaux, … Tout ça, c'est la couverture légale, officielle. Après, nous avons aussi les filières non officielles où n'importe quel Russe qui se trouve sur le territoire belge peut travailler pour le service d'espionnage. Enfin, nous avons la filière clandestine dans laquelle j'ai travaillé. Nos (espions) illégaux, on peut leur fabriquer une légende (fausse identité, vie). On peut les faire passer pour un Belge, un Français, un Américain, un Allemand, etc." 

3. Parle-t-on plus de cyber-espionnage ou d'espions à l'ancienne actuellement ?

Sergueï Jirnov:  "Le cyber-espionnage a pris une grande place en 2022. C'est beaucoup plus facile, c'est espionner sans se mettre en danger, sans traverser des pays, sans demander des couvertures, etc. C'est plus efficace et plus facile. Ça économise les budgets. On reste sur son propre territoire. Après, ça ne veut pas dire que l'espionnage classique a disparu. Il continue. Les Russes y attachent même beaucoup plus d'importance. Poutine est féru d'espionnage. C'est quelqu'un qui ne croit pas aux échanges diplomatiques ou aux échanges directs avec les dirigeants occidentaux. Il mise donc énormément sur l'espionnage. (…) Il y a physiquement deux fois plus d'espions sous Poutine qu'il y en avait du temp de l'Union soviétique."

4. Comment travaillent les espions russes à Bruxelles ?

Sergueï Jirnov:  "Les espions sous couverture en Belgique ne vont pas cueillir eux-mêmes dans les institutions qui nous intéressent. On va recruter les gens qui travaillent dedans. Ces gens-là vont devenir nos agents ou nos sources, c'est eux qui vont nous fournir les documents secrets qui nous intéressent. On peut les équiper de tous les gadgets possibles et imaginables, comme dans les films d'espionnage. La personne qui travaille au Palais royal de Belgique, il a quand même du mal à peut-être sortir avec une valise de documents secrets de Sa Majesté. Du coup, on va l’équiper avec des lunettes munies d’une caméra, avec un stylo avec une caméra, avec un scanner qui peut être caché dans n’importe quel objet usuel. A ce moment-là, il va nous faire une copie du document qui nous intéresse sur son lieu de travail. On les appelle les officiers traitants. Ca veut dire qu’eux, ils vont recruter les sources et les agents, et ils vont traiter (les diriger), les encadrer, leur demander des documents qui nous intéressent."

5. Les espions russes utilisent-ils des gadgets ?

Sergueï Jirnov: "Nous avons un service technique qui produit tous ces gadgets qui sont 10 niveaux au-dessus de tout ce que vous pouvez trouver dans le commerce. Souvent les services d'espionnage vont acheter les mêmes gadgets que vous dans les magasins spécialisés sur internet. Pourquoi ? Car ils ne sont pas estampillés service technique d'espionnage de Russie. Du coup, ça brouille les pistes. Si un service de contre-espionnage prend notre agent ou notre source en possession de tels objets, cette personne peut dire 'je suis allé sur internet pour m'amuser, j'ai acheté un truc pour m'amuser. C'est juste un passe-temps inoffensif. Je suis désolé.' Ca donne une bonne excuse."

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