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La gratuité des transports en commun est-elle réalisable ou même souhaitable? Voici les chiffres et les avis

Les prochaines élections législatives approchent à grand pas. L'un des débats qui anime la scène politique ces dernières semaines, c'est la gratuité des transports en commun pour les demandeurs d'emploi voire l'ensemble de la population. Une proposition qui n'est pas au goût de tous.

Les tickets payants et abonnements pour les transports publics représentent entre 20 et 40% des recettes totales. D'après les rapports financiers annuels des différentes sociétés de transport en commun, voici les détails précis:

A la STIB, les titres de transport payants rapportent environ 200 millions d'euros sur les 580 millions de recettes, soit environ 34%.
Aux TEC, ce sont 113,5 millions d'euros sur 588 millions de recettes, soit 19%.
• Enfin à la SNCB, 701 millions sur 1.9 milliard de recettes, soit en moyenne 37%.

Louis Duvigneaud est l'administrateur délégué de 'Stratec', un bureau d'études spécialisé en matière d'économie des transports et de mobilité. Nos transports en commun sont-ils globalement chers ? Pas vraiment selon lui: "Si on compare à d'autres pays, les transports en commun sont globalement bon marché en Belgique. Il y a déjà une grosse partie du coût qui est financé par la collectivité", indique-t-il.

Le voyageur ne paie que 27%, en moyenne du coût du transport

Même constat pour Stéphane Thiery, porte-parole des TEC: "Le prix du transport en commun est déjà largement pris en charge par la collectivité. Il est déjà très bas. Si on prend l'ensemble des coûts et que je regarde celui du voyageur, il ne paie que 27%, en moyenne de ces coûts. Le restant est pris en charge par la collectivité dans le budget de la Mobilité."


Qui va payer ?

Si on instaure la gratuité totale pour les bus wallons par exemple, les TEC seraient privés de quelque 113,5 millions d’euros de ventes de titres de transport. Il faudrait donc compenser ce manque à gagner en augmentant les subventions pour les TEC. Le Gouvernement wallon devrait alors tailler dans les dépenses d’un autre service public ou taxer davantage le contribuable wallon. Une fois de plus, la collectivité paiera le manque à gagner et cette gratuité aurait forcément "un coût" répercuté sur le portefeuille du citoyen

Stéphane Thiery ajoute à ce sujet: "On a besoin de cette contribution qui représente environ un quart du budget TEC pour investir, pour aller sur de la nouvelle offre, pour proposer des services qualitatifs à nos clients. (...) Si on veut lutter contre le changement climatique et faire du TEC un acteur majeur de cela, à savoir amener des gens qui sont dans leurs voitures vers les transports en commun, il faut investir massivement. Cela demande des moyens. Si on enlève les moyens de la recette voyageurs, il va falloir chercher cela ailleurs. Abaisser les prix du ticket, c'est une logique différente que celle d'y investir."


Vers une offre plus variée

L'idée de rendre les transports en commun gratuit se heurte à une autre donnée: l'augmentation de la fréquentation. Cette gratuité renforcerait l’affluence dans les transports en commun et imposerait donc la nécessité de proposer une offre plus importante et par conséquent des coûts supplémentaires (des chauffeurs à payer, des véhicules à acheter, …).

Selon les expériences menées à l’étranger, on constate en effet une hausse de la fréquentation des transports en commun quand ils deviennent gratuits. Mais dans certains cas, ce sont surtout les piétons et les cyclistes qui se mettent à emprunter davantage le bus, plutôt que les automobilistes.

Bart Jourquin, professeur en économie des transports à l’UCLouvain, expliquait dans le magazine Moustique.be: "La problématique n’est pas linéaire. Il ne suffit pas de mettre en place des lignes de bus et de trains n’importe où, n'importe quand. Parfois, c’est mieux de faire appel à un taxi, à un minibus voire à un Uber. Il ne faut pas se contenter de promouvoir un mode absolument, mais se concentrer sur une offre multi-modale."

Même son de cloche pour Louis Duvigneaud: "Quand on a peu d'investissements, il faut optimiser les infrastructures existantes. En Belgique, on a un patrimoine qui est très généreux. On a des routes, des infrastructures ferroviaires,... Il faut les optimiser. Pour les routes, par exemple, développer le covoiturage, mais aussi l'utilisation du vélo, du vélo électrique, de la trottinette électrique, et faire en sorte que tous ces modes de transport puissent être utilisés ensemble. C'est ce qu'on appelle le 'MaaS', 'le Mobility as the Service'. C'est l'enjeu du moment."

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