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Bruno Colmant était l'invité de Pascal Vrebos ce dimanche sur RTL TVI. D'après le professeur d'économie à l'UCLouvain et l'ICHEC, nous risquons de passer par plusieurs années de crise économique.
Pascal Vrebos: Vous avez dit, je cite, "La plupart des gens et des observations sous-estiment l'ampleur de la crise qui vient, et le défi que représente pour nos sociétés la transition écologique et énergétique". Le vice-Premier ministre David Clarinval (MR) était à votre place il y a un mois. Il a tenu le même discours. Si je résume, du sang social, de la sueur et des larmes dans les années qui viennent?
Bruno Colmant: Oui, je crois qu'on va le sentir dès l'automne, qui sera un automne économique et peut-être un hiver économique après. Parce que l'inflation est très importante. On aura une inflation de 12% et je crois que les prix vont fortement augmenter dans le domaine alimentaire à partir du mois de septembre. Ce qui veut dire qu'il y aura un choc de pouvoir d'achat. Qui dit choc de pouvoir d'achat, dit d'abord des personnes qui souffrent. Des entreprises qui vont devoir peut-être compresser le personnel pour compenser une augmentation tant des salaires que des matières énergétiques. Donc l'inflation génère ce qu'on appelle de la récession, de la stagflation. C'est un scénario dommageable. Et je crois qu'on est parti pour dix ans.
Pascal Vrebos: Combien?
Bruno Colmant: Je crois qu'on est parti pour dix ans de difficultés. Parce que tous les ballastes (NDLR: réservoirs) de croissance qu'on a eu au cours des 40 dernières années, avec un modèle d'économie de marché, sont en train maintenant d'être vidés. On le voit bien dans tous les domaines. Le monde se reconfigure très rapidement. On n'est plus dans le modèle des années 80 et 90.
Pascal Vrebos: Vous oubliez aussi la raréfaction des ressources, les effets collatéraux de la guerre, sociaux et économiques. Autrement dit, il y a des crises presque à tous les étages? Du jamais vu?
Bruno Colmant: Dans tous les domaines. On a cru qu'on allait vivre dans une économie de marché, que le monde serait harmonieux, en paix dans un grand marché. Aujourd'hui, on voit que ce monde se fissure de nouveau. Qu'il y a des problèmes dramatiques en matière alimentaire et écologique. Donc la raréfaction des biens qu'on n'a pas connue depuis la guerre, est une réalité qui va s'imposer à nous. Qui dit raréfaction des biens, qui dit problèmes climatiques, dit à un certain moment violences sociales, revendications, malaises. D'ailleurs, on l'a vu, et c'est un signal très important dans l'histoire avec les gilets jaunes. Il y a trois ans maintenant, on s'est rendu compte qu'une légère augmentation des frais de déplacement pour des personnes qui devaient utiliser leurs voitures a créé un choc social majeur. Je crois qu'on en aura d'autres.