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Jean-Marie a 61 ans et il a deux passions: les trains électriques et le cyclisme. Dans sa maison, une pièce entière est dédiée à un gigantesque entrelacs de rails, de passages à niveau, d’aiguillages et de locomotives. Et sur une partie du parcours, il a reproduit, avec une précision incroyable, la vie du Tour de France 1962.
Cent soixante locomotives. Plus de mille wagons. Des dizaines, des dizaines et des dizaines de mètres de rails. Jean-Marie est un ferrovipathe, un passionné de trains. Mais tout particulièrement s’ils sont miniatures. "Cela remonte à ma plus tendre enfance. J’avais trois ans et mon père m’a offert mon premier train Märklin. Je me vois encore, couché sur le ventre, à essayer d’assembler des rails" annonce d’emblée Jean-Marie. Un peu moins de 60 ans plus tard, les premiers éléments offerts par son père se sont démultipliés. "L’ensemble du réseau occupe une pièce qui fait la taille d’un garage deux voitures. Effectivement, cela prend de la place".
Cette passion des trains, Jean-Marie la cumule avec celle du vélo. "J’ai découvert le cyclisme en 1962. Mon grand-père m’a emmené au départ d’une étape du Tour de Belgique, à Namur. J’y ai vu Rik Van Looy, et son maillot arc-en-ciel de champion du monde. Durant les nuits qui ont suivi, je dormais avec l’autographe qu’il m’avait donné". Jean-Marie est séduit par la petite reine et encore plus par son épreuve magistrale. Le Tour de France fascine Jean-Marie par l’aspect sportif, mais pas uniquement. "Le Tour, c’est une épopée de sportifs de très haut niveau. Ce sont les intempéries et la canicule. Ce sont des drames. C’est une ambiance incomparable. Mais c’est surtout le plus grand spectacle de rue du monde. Et entièrement gratuit !"
Un travail d’orfèvre
L’an dernier, Jean-Marie a réduit ses activités professionnelles. Il a plus de temps libre qu’auparavant. Du temps à consacrer à ses deux passions. "Un secteur du réseau de trains n’était pas décoré. Il n’y avait pas de contexte, pas d’ambiance. Je me suis dit que je pouvais allier les deux centres d’intérêt. Et consacrer cette partie du réseau à l’atmosphère si particulière du Tour." Jean-Marie entame alors, avec son épouse, une œuvre de précision. "Elle n’est pas très vélo, mais elle est très habile". Pour construire tout ce décorum, il faut d’abord du temps. "On a commencé pendant le mois de janvier et on a terminé mi-mai. C’était très aléatoire, parfois très intensif et parfois pas du tout". Et une fois terminé, il a envoyé des photos de son travail à la rédaction
Le paysage est celui, blanc rocailleux, de la Haute-Provence. Un soleil de plomb alourdit l'épreuve.
Tout adapter pour coller à la réalité
Le relief du terrain se compose d’une base en frigolite et de plâtre. Ensuite, il faut coller de la mousse, peindre, accrocher des arbres, des rochers et des pancartes miniatures. "J’ai cherché, sur internet, des images de falaises pour avoir une inspiration crédible" poursuit Jean-Marie. Il trouve une série de petits coureurs, de voitures, de personnages pour donner vie à son diorama ; non sans difficulté. "Mon réseau de trains est à l’échelle 1/87ème. Tout le matériel cycliste que je trouvais, c’était du 1/43ème. J’ai donc dû dénicher des pièces à la bonne taille et tout adapter. J’ai repeint les coureurs pour que les maillots correspondent à l’année. J’ai repeint les voitures des directeurs sportifs. C’était un vrai travail de bénédictin."
A l'arrière-plan, des vignerons soignent leurs vignes sur le sommet d'un rocher dans lequel des tunnels ont été creusés pour le passage des trains.
Différentes situations de course et tout ce qui se passe sur le côté
L’année que Jean-Marie veut représenter, c’est celle où tout a commencé. "1962, c’est le premier Tour auquel j’ai été vraiment attentif. Ce sont mes premiers souvenirs de supporter." Mais Jean-Marie veut reproduire ce qu’il aime dans le vélo. Pas uniquement la course, mais tous les à-côté. La ferveur sur les routes. Le passage de la caravane publicitaire. Une manifestation qui éclate et qui profite d’une formidable mise en avant médiatique. Au sein même de la course, Jean-Marie a recréé un panel de différentes situations. Il y a une attaque, une crevaison. Un coureur qui se ravitaille et un qui prend des consignes auprès de son directeur sportif. "Je voulais transmettre un sentiment, une impression. Tout n’est pas correct. J’ai imaginé une manifestation de marins-pêcheurs. Je ne sais pas s’ils étaient sur les routes du Tour en 1962. Mais je ne suis pas là pour faire de la polémique, je voulais juste mettre en scène un type d’événement qui peut arriver sur le Tour" se justifie Jean-Marie.
La caravane publicitaire (imaginaire) avec ses fameuses voitures
La fanfare municipale a pris place sur les routes du Tour
Les voitures des directeurs sportifs des équipes Saint-Raphaël, Mercier, Philco, Carpano, Pelforth, Margnat-Paloma et Peugeot
Albert Bouvet, de la Margnat-Paloma, a crevé: un mécanicien est en train de changer sa roue
Le docteur du Tour, assis dans voiture Aspro d'assistance médicale prodigue des soins à un coureur
Un hobby qui a son prix
Jean-Marie a placé un peloton de cyclistes au cœur de son réseau de trains. S’il y a bien une situation à laquelle il ne pouvait échapper, c’est celle du passage à niveau. "Le coup du passage à niveau fermé, c’est obligatoire dans le décor d’un réseau de trains.
Le passage a niveau est fermé. Le champion du monde est passé juste à temps. Les marins-pêcheurs profitent de l'exposition médiatique pour organiser une manifestation.
Certains coureurs escaladent la barrière du passage à niveau. Sur la gauche, le maillot vert préfère la contourner
Ca bouge en tête de peloton!
Le maillot jaune mène la chasse aux échappés. Assis sur la moto, l'ardoisier indique que le peloton a 20 secondes de retard sur le groupe de tête
"Je continue à jouer, tout simplement"
Ce mardi, Jean-Mardi sera à Namur pour voir passer les coureurs. Il ne raterait l’occasion pour rien au monde. Et quand il rentrera chez lui, il rejouera peut-être l’étape, avec ses coureurs de l’époque. Kwiatkowski se transformera en Rik Van Looy. Chris Froome en Jacques Anquetil et Nairo Quintana en Federico Bahamontes. Parce que si le diorama de Jean-Marie reprend une foule de détails, il laisse aussi une bonne place à l’imaginaire. Insouciant de quelconque vérité historique, le garçon de 61 ans joue, tout simplement...