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Mohammed, séparé de sa femme et de son enfant à la frontière macédonienne, est coincé en Grèce

Guylo est musicien. Fares aimerait faire des études. Mohammed a été séparé de sa famille à la frontière macédonienne. Ces migrants ont désormais en commun d'être piégés en Grèce, et de se demander comment en sortir. "On cherche des réseaux (de passeurs), vous connaissez quelqu'un?", demande Guylo, 37 ans, un musicien originaire de la République démocratique du Congo. "Je ferais n'importe quoi pour aller dans un endroit où je peux faire ma musique à l'aise", soupire-t-il, avec comme premier choix Paris.


Les migrants dits "économiques" trouvent barrière close au moment d'entrer en Macédoine

Depuis plusieurs semaines, les migrants dits "économiques", qui passaient auparavant sans problème avec les réfugiés venus des zones de guerre, Syriens, Irakiens et Afghans, trouvent barrière close au moment d'entrer en Macédoine. En début de semaine, quelque 2.000 d'entre eux, majoritairement africains, ont été ramenés à Athènes, et sont provisoirement logés au sud de la capitale dans les installations qui avaient servi lors des Jeux Olympiques de 2004 aux épreuves de taekwondo.



"On dort par terre, il n'y a pas de matelas, pas d'eau chaude"

Avec une capacité normale de 300 places, les conditions de vie y sont plutôt difficiles. "On dort par terre, il n'y a pas de matelas, pas d'eau chaude", remarque Mohammed, un Palestinien de 36 ans, qui a été séparé de sa femme et de son enfant à la frontière macédonienne. Les migrants reçoivent normalement trois repas par jour des organisations humanitaires, mais les conditions d'hygiène sont basiques, et les bagarres fréquentes. "On n'est pas en paix" ici, remarque Guylo. Selon lui, "les Marocains sortent acheter de la bière, et quand ils ont bu, ils commencent à provoquer les gens ou à se battre entre eux". Cette semaine, trois personnes ont été blessées dans une bagarre, apparemment liée à une tentative de vol de portable. "Il y a là des Marocains, des Algériens, des Yéménites, des Érythréens, les bagarres éclatent facilement", confirme le maire de Faliro, Dionysis Hatzidakis. "Là ça va, c'est calme, mais ça ne peut pas continuer comme ça... Il faut les enfermer et ensuite les faire partir", estime-t-il.



"Je veux aller n'importe où où je pourrai étudier. Au Yémen, l'université a fermé à cause de la guerre"

La Grèce, en crise économique profonde depuis six ans, voudrait pouvoir renvoyer chez eux ces migrants que son économie ne peut pas absorber, mais les pays d'origine sont rarement d'accord. L'agence de presse ANA a indiqué vendredi qu'à présent, de nombreux migrants retournaient sur l'île de Lesbos -- principale porte d'entrée pour les 750.000 qui ont choisi de pénétrer en UE par la Grèce cette année -- pour tenter de s'y faire réenregistrer en tant que Syriens, Irakiens ou Afghans et avoir ainsi une meilleure chance de continuer le voyage. "Je veux aller n'importe où où je pourrai étudier. Au Yémen, l'université a fermé à cause de la guerre", déplore Fares, 21 ans.



"Avec 50 migrants qui paient, ce n'est pas très difficile d'affréter un car, il y en a des milliers disponibles"

D'autres tentent leur chance auprès des passeurs d'Athènes, prompts à s'adapter aux circonstances pourvu qu'on y mette le prix. "Les affaires se font dans les boutiques de kebab et de téléphonie mobile tenues par des arabophones et des Pakistanais autour de la place Victoria", confie une source proche du dossier. "Avec 50 migrants qui paient, ce n'est pas très difficile d'affréter un car, il y en a des milliers disponibles", assure cette source. Après avoir fermé le principal point d'entrée, à Gevgelija (sud-est) près du village grec d'Idomeni, la Macédoine a entamé cette semaine la construction d'une deuxième clôture à Medzitlija (sud-ouest), une partie de la frontière qu'elle estime perméable. La route de l'Albanie est possible. Mais Guylo ne veut pas s'y risquer. "On nous a dit que c'était très dangereux. Les gens se font tuer là-bas", a-t-il entendu dire.


Athènes a été montrée du doigt ces dernières semaines, quand il est apparu qu'au moins deux des auteurs des attentats de Paris le 13 novembre étaient entrés par l'île de Leros le 3 octobre. Vendredi, le Premier ministre Alexis Tsipras a admis que la Grèce avait été "prise par surprise" cet été par l'ampleur des flux, mais que depuis septembre tout le monde était dûment enregistré. La Commission européenne a notamment accusé l'Italie, la Croatie et la Grèce de n'avoir pas suffisamment progressé en termes d'enregistrement électronique des empreintes digitales.

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