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La résurrection du Quatuor des Evangélistes, instruments d'exception

Les "Evangélistes", unique quatuor d'instruments à cordes réalisé par un grand maître de la lutherie et conservé depuis le XIXe siècle, viennent de reprendre vie sous les doigts de quatre musiciens heureux, les Modigliani.

Le plus grand luthier français du XIXe siècle, Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875), a fabriqué en 1863 ces deux violons, cet alto et ce violoncelle dans un même bois, en caressant l'espoir qu'ils soient joués uniquement ensemble.

Le modèle de Vuillaume était le fameux violon "Messie" (1716) de Stradivarius. Filant la métaphore religieuse, le luthier français a donné aux instruments de son quatuor les noms des quatre évangélistes, gravés sur la table d'harmonie des instruments: saint Jean pour le premier violon, saint Marc pour le second, saint Matthieu pour l'alto et saint Luc pour le violoncelle.

Depuis, mystérieusement, les "Evangélistes" n'ont quasiment pas été joués dans leur configuration de quatuor. Le luthier Etienne Vatelot les a acquis en 1973, puis conservés discrètement durant 35 ans dans son atelier parisien, repoussant même les convoitises d'un grand musicien.

"Itzhak Perlman voulait acheter le saint Jean. Etienne Vatelot lui a dit +non, c'est un quatuor, je ne les vends pas séparément+. Perlman a alors dit +OK, alors j'achète le quatuor+. Mais Vatelot a encore dit non", raconte à l'AFP le premier violon du Quatuor Amedeo Modigliani, Philippe Bernhard.

Le luthier tenait à ce que son trésor soit joué par un quatuor constitué. Après avoir entendu en concert en 2007 les Modigliani, quatre garçons de moins de 30 ans déjà bardés de prix, Etienne Vatelot a progressé dans l'idée de se séparer de ses chers instruments.

"On a été invités à aller dans son atelier à Paris. On a vu ce Quatuor des Evangélistes posé sur la table de lutherie. Le fait de les voir, de les jouer après, ça a tout de suite été un choc...", se souvient François Kieffer.

Ni ce violoncelliste ni ses trois partenaires n'auraient évidemment eu les moyens d'acheter en leurs noms propres les "Evangélistes". Leur mécène helvète, si: la Swiss Global Artistic Foundation a acquis les instruments pour plus d'un million d'euros, en vue de les prêter aux Modigliani.

Depuis septembre dernier, Philippe Bernhard, Loïc Rio, Laurent Marfaing et François Kieffer donnent tous leurs concerts -- 90 par an dans le monde entier -- sur les Evangélistes.

Leurs prochaines prestations à Paris sont programmées les 29 et 30 avril à l'Auditorium du Louvre, dans un programme varié allant de Haydn, père de la musique pour quatuor, au contemporain japonais Toshio Hosokawa, en passant par Beethoven et Webern.

Avec leur vernis orangé, les Evangélistes paraissent comme neufs. Et l'ensemble sonne avec une homogénéité rare, liée au fait que les instruments n'ont pas été conçus pour briller individuellement mais pour prendre chacun sa place au sein du quatuor.

Saint Jean est puissant, saint Marc a des graves chaleureux qui se mêlent bien au timbre jamais agressif de saint Matthieu, et saint Luc offre une assise solide en même temps qu'une corde de "la" lumineuse.

"Si on joue une gamme descendante, les différences entre nos instruments ne se perçoivent pas", relève Loïc Rio, second violon.

Ces quatre-là s'entendent "comme des frères", confirme Philippe Bernhard: "Nous avons enfin l'occasion d'être à quatre pour parler d'une même voix".

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