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"On risque de fermer": Laetitia, enseignante, se bat pour le métier d'aide-familial, en danger à cause d'une nouvelle norme

Laetitia, infirmière-enseignante, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour dénoncer une nouvelle norme dans l'enseignement, qui met en danger le métier d'aide-familial. En résumé, il faudra maintenant 20 élèves par classe afin qu'une section soit maintenue. Sinon, c'est la fermeture. Au collège Saint-Lambert à Herstal où travaille Laetitia, il n'y a que 14 élèves dans la section. Au total, 60% des écoles sont concernées.

Au programme du cours de Laetitia Lunetta, infirmière-enseignante dans la section aide-familiale du collège Saint-Lambert à Herstal, nous apprenons à faire la toilette d'un patient, étape par étape. Dans une salle entièrement équipée pour l'enseignement du métier d'aide-familiale, nous retrouvons les 14 élèves de la section.

60% des écoles concernées par cette nouvelle mesure

Mais cette promotion pourrait bien être la dernière du collège Saint-Lambert... à cause d'une nouvelle circulaire qui impose 20 élèves par section minimum. Si ces conditions ne sont pas réunies, c'est la fermeture. Et c'est ce que dénonce Laetitia Lunetta: "Nous sommes en danger. Si l’année prochaine, nous n’avons toujours pas 20 élèves, nous serons obligés de fermer les portes de la section à la rentrée 2025". 

On se dirige tout droit vers une catastrophe sanitaire

Une décision incompréhensible, tant pour la direction de l'école que les élèves, explique Laetitia Lunetta: "Ils sont extrêmement tristes parce qu’ils sont attachés à l’école et à la section. Ce sont des sections où on chouchoute nos élèves. Justement, on est peu nombreux et donc on a plus le temps de s’attarder sur chaque élève. Il y a un lien très précieux qui se crée entre l'enseignant et ses élèves, et effectivement, ils ne comprennent pas non plus cette décision".

enseignement aide familiale
Une élève de la section aide-familiale s'entraîne sur un nourrisson © RTL info

En Fédération Wallonie-Bruxelles, cette mesure, et donc potentielle fermeture, concerne 60% des établissements. Le métier d'aide-familial est pourtant reconnu par le Forem comme étant en "situation critique".

Laetitia Lunetta ajoute: "En région liégeoise, il y a 8 écoles sur 12, tous réseaux confondus, qui ont la formation d’aide familiale et qui sont menacées de fermeture. Ça veut dire que d’ici l’année prochaine, un nombre important d’adolescents seront privés de l’accessibilité à ce métier". 

Les aides-familiales, un métier essentiel pour l'avenir

Dans les 10 prochaines années, le nombre de personnes âgées ne cessera d’augmenter. Il passera de 5.6 % actuellement à près de 8% en 2033. La demande d’aide-familiale ne fera donc qu’augmenter.

Et c'est aussi ce que dénonce cette enseignante: "Vieillir à notre domicile en maintenant nos repères, notre autonomie, ça devrait être un choix, voire un droit pour tout citoyen. Et si cette section ferme, ce choix ne sera plus possible. Cette circulaire est un réel danger pour la dignité et le bien-être des personnes âgées. Il faut que les écoles soient entendues, dans le cas contraire, on se dirige tout droit vers une catastrophe sanitaire".

On ne comprend pas pourquoi ce métier n’est pas protégé

Que ce soit maintenant, ou à l'avenir, le métier d'aide-familial est donc essentiel. D'autant que le secteur des maisons de repos est "bouché", et ça ne devrait pas s'améliorer, explique Laetitia: "Le nombre de maison de repos ne cesse de diminuer parce que le coût de l’infrastructure augmente. Et les maisons de repos déjà existantes sont saturées à 98%. Donc pour solutionner le problème, il faut que les personnes restent à leur domicile. A titre d’exemple, un placement en maison de repos coute environ 1.200 euros par mois tandis que le service d’une aide familial est autour de 450 euros. C’est une solution aussi bien sociale qu’économique". 

enseignement aide familial
Dans la salle de classe aménagée, Laetitia Lunetta montre à une de ses élèves comment faire une toilette sur un patient © RTL info

Une option "trop présente" et pas assez d'élèves

Mais pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, cette option est trop présente: "Le paysage de l’enseignement qualifiant repose actuellement sur une multiplication d’options peu fréquentées, portant sur les mêmes métiers, et très proches géographiquement les unes des autres", expliquent-ils via un communiqué.

Pour la section aide-familiale, "l’offre d’enseignement compte actuellement presque 100 occurrences sur l’ensemble de nos 10 zones d’enseignement. Cette option ne bénéficie donc pas d’une dérogation à la fermeture (...) toutefois, l’offre sera maintenue dans chaque zone et dans chaque type d'enseignement, et sur un rayon de 10km pour les zones rurales et semi-rurales.", ajoute la Fédération. 

Seule solution pour sauver l'option aide-familiale: entrer dans la liste des métiers en pénurie du Forem

Pour sauver l’option de cette réforme, il ne reste alors qu’une seule solution: entrer dans la liste des métiers en pénurie. Le manque d’aide familial doit être plus prononcé qu’il ne l’est déjà. C'est ce que souhaite Laetitia Lunetta, ainsi que ses collègues du secteur, qui ont lancé une pétition pour que le Forem revoit le statut du métier. Plus de 2.000 personnes l'ont déjà signée. 

pétition pour sauver la section aide familiale
Pétition pour sauver l'option aide-familial, initiée par Laetitia et ses collègues © Capture d'écran

"Nous voulons que le métier d’aide familial soit déclaré comme étant un métier en pénurie par le Forem pour obtenir des mesures de soutien et sauver cette formation, comme c’est déjà le cas pour la formation d’aide-soignant par exemple. Les écoles et services d’aide-à-domicile sont dans l’incompréhension totale: on ne comprend pas pourquoi ce métier n’est pas protégé. C’est un devoir d’autorité publique que de sauver cette formation et ce métier", estime Laetitia Lunetta.

La liste des métiers en pénurie est mise à jour chaque année: la prochaine sera établie pour juillet 2024

Cette liste des métiers en pénurie est établie chaque année par le Forem. L'année dernière, la liste comprenait 158 métiers. Voici comment le Forem s'y prend: "Sur base d’une analyse statistique. Pour l'année dernière, on a analysé les 500.000 offres d’emploi qui ont été réceptionnées par le Forem. Puis a coté de ça, on soumet une ébauche de liste aux différents secteurs avant de la faire valider au sein d’une institution en présence des organisations patronales, syndicales et du Forem", précise Thiery Ney, porte-parole du Forem.

liste metiers en penurie
Liste des métiers en pénurie établie par le Forem © site internet du Forem

Il ajoute: "Le métier d'aide familial est considéré comme une fonction critique, c’est-à-dire qu’aujourd’hui pour pourvoir à ces fonctions, il faut plus de temps qu’en moyenne pour d’autres postes. Il y a donc une certaine tension sur le marché de l’emploi. Mais le métier n’est pas encore en pénurie parce qu’il y a encore des personnes qui sont demandeur d'emploi et qui peuvent postuler. On va encore analyser la situation de ce métier pour 2024 dans les prochaines semaines et on verra si son statut évoluera".

C’est sur cette mise à jour que se placent les espoirs de Laetitia Lunetta et des autres écoles menacées de fermeture. La nouvelle liste des métiers en pénurie devrait être publiée dans le courant du mois de juillet 2024.

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