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Les apiculteurs wallons mis à mal par des miels étrangers "suspects"? Raphaël demande "juste un peu plus de place"

Raphaël nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Cet apiculteur semi-professionnel peine à élargir son activité à cause, dit-il, de la concurrence des miels étrangers vendus dans nos grandes surfaces. C'est d'autant plus interpellant que selon plusieurs enquêtes, un bon nombre de ces miels sont soupçonnés d'être "coupés" au sucre.

"J'aimerais que les apiculteurs belges soient mieux représentés. Que nous ayons un peu plus de place pour proposer des miels de qualité", milite Raphaël. Ce Saint-Georgien a quitté son emploi d'informaticien pour se lancer dans la production de miel. Après trois ans d'exercice semi-professionnel, il aimerait développer son activité. Le problème : comme ses collègues, il souffre de la concurrence des miels à bas prix venus de l'étranger. Il n'est par exemple pas étonnant de voir du miel à moins de 10€ le kilo dans les rayons des grandes surfaces. Un prix inatteignable pour les petits producteurs locaux.

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Ainsi, l'année dernière, il n'a pas réussi à écouler tout son stock d'un peu plus d'une tonne de miel. "Je vends au consommateur directement ou aux petites et moyennes surfaces", explique-t-il. Dans les magasins bio, ça se bouscule au portillon, mais dans les grandes surfaces en revanche, "c'est là qu'on a une place à prendre", avance l'apiculteur.

S'il admet que "tous les miels vendus en grandes surfaces ne sont pas mauvais", Raphaël estime que "c'est une absurdité de faire venir des miels de pays lointains alors qu'on a une production locale d'excellente qualité".

Des miels étrangers "suspects"

Outre l'aspect financier, si les grandes marques se tournent vers des miels étrangers, c'est aussi pour une question de volumes de production. "Nos apiculteurs n'ont pas toujours une production suffisante pour inonder toute une chaîne de magasins", précise Agnès Fayet, administratrice déléguée du Centre Apicole de Recherche et d'Information (CARI). Et c'est l'origine de ces miels de supermarché qui pose problème, dit-elle.

Pour comprendre pourquoi les miels venus de Chine, d'Ukraine, ou encore du Mexique sont "suspects", il faut se rendre compte de la particularité de la denrée dont on parle: "C'est un produit issu de la fabrication d'une abeille d'une certaine espèce. On ne peut rien y ajouter, pour s'appeler miel, le produit doit être pur", définit l'avocate spécialisée en droit alimentaire, Aude Mahy.

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Et c'est là que le bât blesse. Le monde apicole est victime de nombreuses fraudes. La plus fréquente : l'adultération. "Ça consiste à modifier la composition du miel. Il y a plusieurs techniques. La plus connu, c'est de venir couper le miel en le diluant avec du sirop de sucre pour pouvoir en produire plus", affirme Doriane Alberico, suppléante laboratoire et qualité au CARI.

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Force est de constater que selon différentes études, ce sont les miels venus des frontières extérieures à l'Union Européenne qui sont le plus sujet aux fraudes. Selon un rapport de la Commission publié en 2023, près d'un miel sur deux (46%) importé en Europe est suspect. Seulement, pour produire à grande échelle et assurer une rotation et un stock suffisant, le recours aux miels étrangers est parfois indispensable pour les conditionneurs, avance Aude Mahy.

Les étiquettes n'indiquent… rien

Ne plus se faire avoir en vérifiant l'origine du miel sur les étiquettes apposées sur les pots ? C'est difficilement possible, elles n'indiquent pas grand-chose. Le miel est un produit réglementé au niveau européen. Aude Mahy énumère les cas de figure : "Si l'origine est unique, on mentionne le pays. Si le miel provient de plusieurs pays, on indique en fonction 'miel originaire de l'UE' ou 'miel non-originaire de l'UE' et si c'est un mélange, 'miel originaire de l'UE et miel non-originaire de l'UE'."

Produit quelque part sur la planète Terre

En d'autres termes, le consommateur sait que le miel a été produit "quelque part sur la planète Terre". Pour éviter ce genre de situations absurdes, la directive est en cours de modification. Cette fois, il faudra indiquer tous les pays d'origine avec le pourcentage que chaque miel représente dans le mélange (exemple : Chine 20%, Grèce 6%,…).

Il y a tout de même une exception : "Au-delà de quatre origines, on pourra ne mentionner que les quatre premiers miels, pour autant qu'ensemble, ils représentent plus de 50% du miel total." En arrière-plan, tout cela a pour objectif de prévenir les fraudes, souligne l'avocate. Même si, pour elle, ça ne suffira pas : "Aujourd'hui, nous n'avons pas, au niveau européen, des analyses qui soient accréditées et qui permettent réellement de détecter, avec un niveau juridique suffisant, la fraude." Pour pallier à cela, l'Union européenne a mis en place un groupe de travail.

"Des produits standardisés"

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Revenons à nos apiculteurs wallons. S'ils rencontrent des problèmes à trouver leur place dans les rayons des supermarchés, c'est aussi à cause… des consommateurs, selon Agnès Fayet du CARI: "Les conditionneurs ont tendance à proposer des produits qui sont standardisés. Quand vous allez acheter du miel chez un petit apiculteur, vous allez acheter un produit vivant, il faut le savoir et accepter la variabilité liée à cela. Un nounours avec du miel qui coule, ce n'est pas très réaliste, par exemple."

Son conseil, il est tout simple : "Privilégier les miels d'apiculteurs locaux". Voilà qui devrait faire plaisir à Raphaël. Avec lui, ils sont 4.500 en Wallonie à se consacrer à la confection de miel.

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