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Avez-vous pris l'habitude de comparer vos tickets de caisse ? Si c'est le cas, vous avez peut-être remarqué que, selon la localisation du magasin où vous faites vos courses, les prix peuvent être différents. On ne parle pas ici de différences entre les enseignes, mais bien de différences entre les magasins d'une même chaîne de supermarché.
Lorsque l'on fait ses courses, la comparaison des prix est bien souvent un passage obligé. Entre les enseignes, les différences sont bien souvent notables. Mais au sein d'un même enseigne, il n'est pas rare de constater des prix différents selon l'emplacement des magasins. Comment l'expliquer ? Cette pratique est-elle légale ? On vous explique.
John, habitant de Middelkerke, s'offusque de cette pratique! "On remarque que les prix sont moins chers à la Côte. Il peut y avoir deux euros de différence sur un produit de la même enseigne pourtant. On a commencé à faire des photos pour se rendre compte de ça. On commence vraiment à être des vaches à lait !", s'exclame-t-il.
Ce constat est partagé par plusieurs personnes via le bouton orange Alertez-nous. "Les magasins Colruyt vendent des caisses de bières à 5,25€ à Mouscron et Comines. Mais à Menin, le même produit est vendu à 4,40€. Cela n'est pas normal", s'offusque Jean. "Pourquoi chez Lidl, le carton de 12 œufs coûte 1,55€ à Middelkerke, 2,02€ à Mons et 1,55€ à Bruxelles ?", s'interroge Yvon.
Comment expliquer de telles différences ? Pour le comprendre, nous nous rendons au centre névralgique de Colruyt, situé à Hal, en périphérie bruxelloise. Chaque jour, la chaîne compare les prix de 62.000 produits de ses concurrents. Cela représente 1.302.000 relevés de prix par mois. Sur place, une centaine de collaborateurs se chargent d'encoder les prix des concurrents. "Je regarde les dépliants des concurrents et je regarde les promos qu'ils proposent. Et on adapte pour avoir les mêmes prix chez nous", indique Bruno Frédéric, employé.
Cette comparaison s'opère aussi bien au niveau national qu'à l'échelle régionale et locale. Autrement dit, si les collaborateurs de Colruyt découvrent des promotions pratiquées par une enseigne présente uniquement à Anvers, ils vont adapter leurs prix uniquement dans leurs magasins anversois. Colruyt peut également compter sur des collaborateurs qui prospectent les prix des concurrents en se rendant directement chez leurs concurrents. Les clients peuvent également jouer le rôle d'informateurs en renseignant les promotions et prix plus bas repérés à l'enseigne.
En fonction des supermarchés qui se situent aux alentours, les prix peuvent être revus. Ce qui explique parfois des différences de prix d'un magasin à l'autre. "Nous sommes des suiveurs de prix. Nous réagissons aussi bien aux prix de rayons habituels qu'aux promotions", nous explique Jean-Christophe Burlet, directeur régional pour Colruyt Meilleurs Prix.
La pratique est légale. Les détaillants peuvent fixer librement leurs prix, nous confirme Test Achats. "À part le fait de ne pas vendre à perte, il n'y a pas de contraintes pour les supermarchés, la seule solution est de bien se renseigner sur les prix ou encore l'arrivée de nouveaux concurrents", affirme Lisa Mailleux, porte-parole pour Test Achats.
Derrière ces manœuvres, se cache bien évidemment une réelle technique marketing. "Le principe, c'est qu'un magasin puisse garantir les prix les plus bas, mais pas partout dans le pays. Ce qui va lui permettre d'avoir les prix les plus bas localement, mais de garder les prix plus élevés avec des marges plus importantes à d'autres endroits géographiques en Belgique", nous éclaire Pierre-Alexandre Billiet, CEO du magazine Gondola, spécialisé dans la distribution.
"Par conséquent, l'agriculteur, l'éleveur et une partie de la chaîne alimentaire auront des marges moins élevées. Et à un moment, cette forte concurrence et donc les prix les plus bas qui semblent intéressants pour le consommateur vont détériorer la totalité de la chaîne alimentaire. Avec aujourd'hui une pression sur les marges et demain probablement une qualité alimentaire beaucoup moindre qu'aujourd'hui puisque les agriculteurs ne savent plus gérer les aliments chers et qualitatifs pour leurs animaux et leur bétail", avertit Pierre-Alexandre Billiet.