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Jean-Marie est apiculteur en province du Hainaut. Via le bouton orange Alertez-nous, il se désole : "Comme beaucoup d'apiculteurs en Wallonie, j'ai perdu à l'automne dernier des colonies d'abeilles. Certains amis apiculteurs ont perdu 50% de leur cheptel et d'autres la totalité de leurs ruches", témoigne-t-il. Jean-Marie a ainsi perdu 6 ruches en quelques mois et s'apprête à en perdre une septième. "Si ça continue comme ça, il n'y aura plus jamais d'abeilles. Je crains la disparition de toutes mes ruches. En 2023, je m'attends à perdre toute une série de colonies malgré mes précautions", estime l'apiculteur.
Selon lui, le coupable n'est autre que le frelon asiatique. Il a découvert 4 nids aux alentours. "Si le frelon continue à détruire des ruches, dans un délai très court, il n'y aura plus d'abeilles. Je connais plein d'apiculteurs qui ont jeté l'éponge. C'est un drame, une catastrophe", déplore-t-il. L'apiculteur estime que ces disparitions dovient alerter les autorités. "Que font nos responsables politiques régionaux et fédéraux de l'agriculture et de l'environnement ? Nos abeilles, nos autres insectes, nos oiseaux et les futures générations humaines également sont en danger", témoigne-t-il.
Jean-Marie est un passionné. Depuis plusieurs années, il œuvre pour sauver les "abeilles noires". "Pour moi, ce sont mes petites filles. Quand une ruche ne va pas bien, je ne suis pas bien", souffle-t-il. Comme le rappelle le Cari (Centre apicole de recherche et d'information) sur son site internet, il s'agit d'une "abeille indigène, celle qui vit depuis toujours chez nous et qui fait partie de notre patrimoine naturel". Aujourd'hui, Jean-Marie craint que ses ruchers disparaissent subitement à cause du frelon asiatique. "J'ai des ruches complètement vides à cause du frelon. Pourtant, ce sont des insectes hyper importants, car pour de nombreux scientifiques, c'est l'être le plus important de la planète. Ce n'est pas une bactérie, ce n'est pas un champignon", confie-t-il.
Le frelon asiatique est arrivé sur notre territoire en 2016. Et peu à peu, ce dernier devient de plus en plus présent comme l'explique Louis Hautier, entomologiste au Centre wallon de Recherches agronomiques. "En 2022, plus de 1.600 nids ont été neutralisés. Le frelon est bien implanté chez nous et on va devoir vivre avec cette espèce invasive", éclaire-t-il. Le frelon s'attaque ainsi aux proies les plus abondantes telles que les abeilles domestiques ou les mouches. "Une ruche est un vrai driving. Le frelon n'a qu'à se présenter et il a toujours de la ressource qui arrive. En plus, elles sont chargées de provisions et d'autant plus faciles à attraper", souligne le spécialiste.
La vidéo ci-dessous illustre l'attaque d'un frelon sur une abeille :
Pour les abeilles, c'est un stress supplémentaire. Pour maintenir les colonies d'abeilles, il est, selon lui, important de gérer la présence du frelon. "Il faut étudier et documenter le plus possible le régime alimentaire du frelon. Cela dépend de son environnement et de ce qu'il a à disposition", précise Louis Hautier. Des pièges existent afin de limiter l'action du frelon asiatique. "Les pièges qui ne sont pas sélectifs sont à éviter car ils vont avoir un impact sur la biodiversité. Des recherches doivent être menées sur les appâts", assure le spécialiste.
Faut-il craindre la disparition des abeilles comme l'imagine l'apiculteur que nous avons interrogé ? Nous questionnons Jean-Sébastien Rousseau-Piot, chargé du suivi des pollinisateurs sauvages chez Natagora. Ce spécialiste nous explique qu'il est très important de nuancer le terme "abeille". "Quand on parle d'abeilles, on pense souvent aux ruches, mais il y a toutes les espèces sauvages à côté", insiste le spécialiste. En Belgique, on compte ainsi 350 espèces sauvages. "Par rapport au frelon asiatique, ce ne sont pas tellement les espèces sauvages qui sont impactées. C'est surtout les ruchers qui sont attaqués, donc une abeille domestiquée, contrôlée, sur laquelle on a fait des croisements et sélections pour qu'elle soit plus productive. Ce n'est pas la nature sauvage", indique le spécialiste.
L'arrivée du frelon asiatique ne doit pas être vue comme une catastrophe pour la biodiversité, estime le spécialiste. "C'est une catastrophe plus économique. Si des ruchers sont attaqués, que l'apiculteur perd ses ruches ou quand les abeilles sont utilisées pour une pollinisation industrielle", souligne-t-il.
Le frelon asiatique doit ainsi être vu comme un nouvel arrivant. "C'est un prédateur parmi tant d'autres. Il ne va pas être plus méchant ou plus vorace que d'autres prédateurs (...) Quand de nouvelles espèces arrivent, elles ont un avantage temporaire parce que les prédateurs ne la connaissent pas, elles n'ont pas de maladies propres. Ici, il y a un déséquilibre qui peut poser problème surtout pour l'apiculture. Il faut le temps que ça se rééquilibre. Le plus dur, c'est maintenant : c'est la période où il débarque où il met un peu le bazar, mais ça va petit à petit s'équilibrer, mais on est toujours impatient", précise Jean-Sébastien Rousseau-Piot. "S'il y avait un problème, on le verrait déjà. Il y a des millions d'autres choses qui posent problème comme la gestion de nos espaces verts, les polluants, les intrants agricoles intensifs, l'urbanisation... Tout ça est mille fois plus dangereux que le frelon asiatique", nuance l'expert.
De nombreux insectes pollinisateurs
Les abeilles font partie des insectes pollinisateurs, indispensables pour la biodiversité et pour une grande partie des cultures destinées à notre alimentation. Mais ce ne sont pas les seuls, rappelle Jean-Sébastien Rousseau-Piot. On compte également les mouches, les coléoptères et autres insectes. "L'abeille domestique joue un rôle, mais pas pour toutes les plantes et pas partout", insiste le spécialiste.