Partager:
L’industrie automobile chinoise a-t-elle dix années d’avance sur l’industrie européenne? C’est ce que prétendent bon nombre de spécialistes. Avec 5,4 millions de voitures électriques vendues dans le pays, la Chine représente les deux tiers des ventes mondiales de voitures électriques. Les marques chinoises représentent 80 % de ces ventes. Aujourd’hui, elles commencent à arriver en Europe et sont très compétitives par rapport à leurs rivales européennes. Illustration d’un phénomène qui défie l’industrie automobile.
À Bruxelles, dans la commune de Zaventem, une concession automobile a ouvert ses portes il y a un an. De prime abord, les 3 lettres, caractéristiques de la marque, intrigue : BYD, qui signifie "Build Your Dreams". Le nom peut paraître anodin, mais est en réalité un mastodonte chinois. À l’intérieur, 5 modèles de voitures sont proposés. Les prix varient de 33 000€ à 70 000€. "Elles sont toutes full optionnées", nous communique d’emblée l’un des vendeurs.
Assis sur l’un des canapés, Mohammed attend patiemment la fin de l’entretien de sa voiture. Il a franchi les portes de cette concession la première fois lors de l’achat de son véhicule il y a quelques mois. "Tout d'abord, j'ai fait un test et j'ai vu que le confort me convenait", se rappelle-t-il. Une voiture dont le prix le séduit immédiatement. "Si on choisit une voiture allemande, le prix n’est pas comparable" poursuit-il.
Outre les prix compétitifs, les véhicules disposent d’une batterie ininflammable. "On produit les batteries nous-mêmes, mais aussi les semi-conducteurs, l’électronique, etc. Donc on produit vraiment tout nous-même. C’est un gros avantage au niveau de la flexibilité, de la rapidité et surtout au niveau de l’offre que nous avons avec des produits qui sont bien équipés à des prix très attractifs", avance Thomas De Meuter, porte-parole du groupe en Belgique.
L’objectif pour nous en Belgique et au Luxembourg, c’est de s’implanter dans chaque province
La voiture de Mohammed compte parmi les 500tièmes vendues en Belgique depuis un an. Leader de la voiture électrifiée en Chine, la marque a de grandes ambitions dans nos contrées. Déjà 3 concessions, elle compte en ouvrir 5 supplémentaires. "L’objectif pour nous en Belgique et au Luxembourg, c’est de s’implanter dans chaque province: la Wallonie très prochainement. On va aussi étendre notre gamme. Aujourd’hui, on a 5 modèles dans des segments différents, de la petite citadine jusqu'à la grande voiture à sept places, toutes fulls électriques. C’est un développement que nous allons continuer dans les prochaines années", nous confie le porte-parole du groupe en Belgique. Elle souhaite y écouler plus de 10.000 voitures électriques dans cinq ans.
BYD, déjà connu en Europe pour ses bus électriques, a lancé en 2022, une offensive pour ses voitures lors du Mondial de l'Auto de Paris. La marque a cessé cette même année sa production de voitures à essence et se concentre désormais uniquement sur les modèles hybrides et électriques. Elle a annoncé le mois dernier la construction de sa première usine européenne de voitures en Europe, en Hongrie.
Entre juillet et septembre, le groupe a enregistré un bénéfice de 1,35 milliard d’euros. Fort de ses ventes en Chine, il rivalise déjà avec Tesla pour le titre du premier constructeur mondial de véhicules électriques. Seules 3.500 voitures vendues les séparent au troisième trimestre. Mais la marque n’est pas la seule à se démarquer.
L’avancée des voitures électriques chinoises
Les premières incursions chinoises en Europe remontent à une quinzaine d’années. À cette période, leurs voitures n’étaient pas à la hauteur des références européennes en matière de sécurité passive. Elles échouent aux crashs-tests européens (Euro NCAP). Une leçon très vite apprise, car aujourd’hui, les Chinois reviennent en force. "Les derniers résultats des crash test Euro NCAP montrent que plusieurs modèles électriques chinois affichent 5 étoiles (ce qui est le score maximal) et dans les différents classements intermédiaires, ils sont au-dessus des références européennes. Donc, en matière de sécurité, les voitures chinoises sont tout à fait au top", nous apprend Xavier Daffe, rédacteur en chef du magazine « Le Moniteur automobile ».
Des marques chinoises encore peu connues telles que Zeekr, MG, Aiways, Li Auto, Nio et Xpeng commencent ainsi à déferler sur l'Europe avec des modèles électriques de qualité. "Aujourd’hui, leurs voitures sont très abouties, en matière de qualité, de finition de tenue de route, de sécurité et surtout de technologie électrique parce que l’industrie automobile chinoise a très vite pris le pli de l’électrique. Ils ont mis de côté tout ce qui est moteur essence et diesel", avance le spécialiste. Comme lui, ils sont plusieurs à affirmer que l’industrie chinoise a 10 ans d’avance sur la maitrise de la technologie par rapports aux concurrents européens.
Aujourd'hui, 60 % des voitures électriques vendues dans le monde sont équipées d'une batterie chinoise
Mais comment en est-on arrivé là? La Chine s’est positionnée sur le marché de l’électrique, car elle dispose des matières premières pour fabriquer les batteries. "Les Chinois se sont rendus propriétaires de mines en Afrique et en Amérique du Sud essentiellement, qui leur produisent ces matériaux, ces terres rares nécessaires à la fabrication des batteries. Ils se sont intéressés aussi à toute l'électronique nécessaire à la fabrication d'une voiture électrique", note le rédacteur en chef du Moniteur automobile.
Avec cet accès privilégié aux ressources, ils maîtrisent absolument toute la chaîne de valeur électrique, des matières premières au produit fini. "Si bien qu'aujourd'hui, par exemple, la plupart des marques occidentales achètent ses propres batteries de voitures électriques aux Chinois. Aujourd'hui, 60 % des voitures électriques vendues dans le monde sont équipées d'une batterie chinoise, y compris Tesla par exemple", ajoute le spécialiste de l’industrie automobile.
Cette stratégie semble fonctionner. Selon les chiffres du SPF Economie, la Belgique a importé 63.866 voitures particulières de Chine au premier trimestre 2023. Deux tiers d’entre elles étaient des véhicules électriques (cfr. Chiffres de la Banque nationale de Belgique). D’après l’Association chinoise des constructeurs automobiles, la Belgique est par ailleurs la première zone de débarquement des voitures chinoises en Europe. Elle a importé 138.000 véhicules au premier semestre 2023.