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Quand Crépy-en-Valois était "sous cloche" avant l'heure

Deux semaines avant sa généralisation en France, la petite ville de Crépy-en-Valois (Oise) connaissait en "avant-première" une ébauche de vie confinée à la suite du décès d'un enseignant, première victime française du coronavirus. "On nous prenait pour des pestiférés", se souviennent aujourd'hui des habitants.

Tout commence avec le décès de ce professeur de technologie au collège Jean-de-La-Fontaine, Dominique V., 60 ans, dans la nuit du 25 au 26 février à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

Il ne revenait pas d'une zone à risque et les autorités ne savent pas comment il a été contaminé : une enquête a été ouverte pour retrouver le "patient zéro", à l'origine de la contamination.

Mais pour tenter d'enrayer l'avancée du virus, le premier arrêté de Louis Le Franc, préfet de l'Oise, tombe rapidement : "Rassemblements interdits dans le département du 29 février au 14 mars". Lui-même est placé à l'isolement "par précaution".

Les manifestations sont interdites tout comme certains marchés. Et dans neuf communes "cluster" du département, dont Crépy-en-Valois, les établissements scolaires ferment et les habitants sont invités à limiter leurs déplacements.

"Il nous était demandé de contenir au maximum cette pandémie pour qu'elle ne déborde pas des limites de l'Oise", se souvient aujourd'hui le préfet. D'emblée, "cela a permis de marquer les esprits, de faire comprendre à la population qu'il fallait traiter ce sujet avec fermeté".

"Ce fut le choc, mais c'était compréhensible... Si on avait laissé la pandémie éclater, combien de morts on aurait aujourd'hui ?", questionne Jean-Luc, un habitant de Crépy-en-Valois.

Quand "la propagation du virus" a dépassé les limites de l'Oise et que "les arrêtés ministériels sont venus se substituer aux arrêtés préfectoraux", les habitants avaient déjà "pris le pli de ces mesures coercitives", pense le préfet.

- "Persona non grata" -

Jeudi, 190 habitants de l'Oise étaient décédés du coronavirus dans les établissements hospitaliers et 82 dans les Ehpad, selon la préfecture. Pour Crépy-en-Valois, le maire, Bruno Fortier, refuse de donner les chiffres.

Dans cette commune de 15.000 habitants, face à la forte hausse des décès début mars, les pompes funèbres et l'église décident d'organiser les enterrements directement au cimetière en comité restreint.

"Les familles qui perdaient un proche de la maladie, étaient déjà en détresse, mais en plus elles ont dû subir les jugements extérieurs portés sur le défunt, considéré comme un pestiféré", s'attriste Guillaume Deveaux, prêtre à Crépy-en-Valois.

"Chez nous, tout a commencé quinze jours avant... Nous étions en première ligne et nous en sommes très marqués", témoigne le maire, lui-même guéri du coronavirus. "Nous étions considérés comme des pestiférés : des employeurs parisiens ont dit à leurs salariés Crépynois, +Tu habites à Crépy, ne viens plus travailler+, cela a été terrible."

"Les gens étaient vraiment agacés d'être mis de côté, mes apprentis ont même été refusés dans leur centre de formation", rapporte Xavier, gérant d'une pâtisserie dans le centre-ville.

"Les entreprises de l'Oise étaient persona non grata en dehors du département, dans le domaine du bâtiment, certaines ont eu des marchés reportés... Les personnes considéraient que les gens de l'Oise étaient potentiellement tous porteurs du virus", confirme le préfet. "Dès lors que le sujet a pris une dimension nationale, l'Oise a été fondue dans la masse, mais il y a eu ce premier coup de lame très violent."

Maintenant, "nous sommes tous dans la même barque, condamnés à la même chose", relativise le maire qui a engagé une désinfection des lieux publics.

Il souligne aussi un "léger mieux" ces derniers jours à l’hôpital et dans les Ehpad de la ville où la situation est pour l'heure "stabilisée".

Mais "les habitants continuent d'avoir peur, ils sont masqués, gantés, ils attendent que le client précédent sorte pour entrer...", témoigne Arnaud, un boucher.

"J'ai été amené à gérer des crises compliquées dans ma carrière, mais jamais aussi longue et sans avoir la perspective d'une sortie du tunnel", conclut le préfet.

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