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"La paix, pas la guerre": des centaines de milliers de Taïwanais ont assisté vendredi soir aux derniers meetings de campagne, à la veille d'un scrutin présidentiel sous la pression croissante de Pékin, qui revendique la souveraineté de l'île.
Trois hommes se disputent la présidence, dans cette élection à un tour : le vice-président sortant Lai Ching-te du Parti démocratique progressiste (DPP), Hou Yu-ih du Kuomintang (KMT) et Ko Wen-je du petit Parti populaire de Taïwan (TPP).
"Le monde entier regarde le choix que fera le peuple taïwanais", a lancé à la foule Lai Ching-te, donné comme favori, appelant à "décrocher la première victoire de la démocratie" de 2024.
"C'est un choix entre la guerre et paix", a quant à lui affirmé Hou Yuh-ih, car "si Lai Ching-te est élu, le détroit de Taïwan sera très agité".
"Nous voulons la paix, pas la guerre", clamaient les pancartes colorées brandies par ses partisans.
Si le KMT, principal parti d'opposition, prône un rapprochement avec la Chine, le DPP clame, lui, que Taïwan est déjà un Etat indépendant de facto.
Ko Wen-je a lui promis de "changer ce pays", en sortant des partis traditionnels. "La démocratie est notre atout le plus important à Taïwan!"
Le territoire de 23 millions d'habitants, situé à seulement 180 kilomètres des côtes chinoises, est salué comme un modèle de démocratie en Asie. Mais il est dans le viseur de Pékin, qui le considère comme une de ses provinces devant être rattachée au reste du pays, par la force si nécessaire.
Jeudi, la Chine a appelé les électeurs de Taïwan à faire "le bon choix", en fustigeant le "grave danger" que représente Lai Ching-te.
Et vendredi, l'armée chinoise a promis d'"écraser" toute tentative d'indépendance de Taïwan.
- "Coercition" -
"Cette élection suscite un intérêt accru, notamment parce que le contexte géopolitique de la région a très significativement évolué depuis les dernières élections de 2020, surtout en termes de coercition militaire, politique, informationnelle de la Chine à l'égard de Taïwan", explique à l'AFP Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
"Le triangle Chine/Etats-Unis/Taïwan devient de plus en plus tendu", ajoute-t-il.
Le statut de Taïwan est l'un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis, premier soutien militaire du territoire, et Washington a prévu d'envoyer une "délégation informelle" sur l'île après le vote.
Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken devait rencontrer à Washington Liu Jianchao, à la tête de la division internationale du Comité central du Parti communiste chinois.
Les Etats-Unis "estiment qu'il revient aux électeurs de Taïwan de décider de leur prochain dirigeant librement et sans ingérence extérieure", a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Vedant Patel.
Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire sur Taïwan. Jeudi, cinq ballons chinois ont encore franchi la ligne médiane séparant l'archipel de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre.
Les Etats-Unis ont mis en garde la Chine contre toute réaction au résultat sous forme de "plus de pression militaire ou des actions coercitives".
Pékin leur a rétorqué de ne "pas se mêler des élections (...) afin d'éviter de nuire gravement aux relations sino-américaines".
- "Préserver notre démocratie" -
"Taïwan est un Etat souverain et indépendant", assure Monica, une supportrice de Lai Ching-te âgée de 48 ans. "C'est pourquoi nous élisons notre prochain président".
"Taïwan n'appartient pas à la Chine", renchérit une autre électrice, Sylvia, 31 ans. "Dans les faits nous sommes déjà indépendants, pas dans la loi".
Depuis 2016, Pékin a coupé toute communication de haut niveau avec Taïwan pour protester contre l'élection de la présidente actuelle, Tsai Ing-wen, également du DPP.
"La Chine craint qu'une administration DPP réélue sous l'égide de Lai ne se prononce en faveur de l'indépendance formelle de Taïwan, une mesure que Pékin menace d'empêcher par une action militaire", souligne James Crabtree, expert du Conseil européen des relations internationales (ECFR).
Mais "les tensions accrues autour de Taïwan posent un vrai problème à Washington, qui cherche à désamorcer ses propres tensions avec la Chine".
Mardi, Lai Ching-te a promis de garder la porte ouverte à un dialogue avec la Chine, mais a mis en garde contre "le principe chinois d'+une seule Chine+": "La paix sans la souveraineté, c'est juste comme Hong Kong".
"Quoi qu'en pense la Chine, ce que l'opinion publique à Taïwan veut que nous fassions c'est maintenir le statu quo", a promis Hou Yu-ih du KMT, tandis que Ko Wen-je, du TPP, a appelé à "préserver notre démocratie, notre liberté et notre mode de vie".