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La colonne de blindés fend la nuit et dégage manu militari branchages et gros cailloux érigés en barrage par les indépendantistes. A Nouméa, les gendarmes lourdement équipés dans leurs véhicules parcourent inlassablement l'axe menant à l'aéroport, avec pour mission de le libérer.
"Victor Bravo, RAS, pas d'adversaire". Tel un leitmotiv, le gendarme annonce régulièrement de sa voix claire à la radio l'avancée de "Victor Bravo", un blindé dernière génération - un Centaure -, sur la RT1.
La route territoriale part, au nord de Nouméa, vers l'aéroport international de La Tontouta, largement inaccessible depuis le 13 mai et le début de la contestation en Nouvelle-Calédonie.
Rendre la circulation vers l'aéroport fluide est l'objectif prioritaire. Pour cela, les hommes en bleu et noir s'emploient à nettoyer et sécuriser l'axe, qui traverse plusieurs quartiers fortement marqués par la présence des indépendantistes.
Dès 4H00 samedi, à bord de deux Centaure et d'un blindé VBRG (ancien modèle), des unités quittent la plus grande gendarmerie de l'archipel du Pacifique sud - celle de Bailly - pour rejoindre le quartier Ducos, où les attendent des escadrons.
Le capitaine de Foucault, chargé de la mission qui a débuté mercredi, rappelle les fondamentaux. "L'adversaire qu'on peut rencontrer aujourd'hui est l'adversaire habituel, sa position sera aux abords de l'axe immédiat, au niveau des tribus voire des squats qu'on pourrait rencontrer".
"Les intentions de l'adversaire, c'est d'empêcher la réouverture et la sécurisation de cet axe", martèle le chef. La veille, un rassemblement de plusieurs dizaines de voitures a eu lieu près de la tribu vivant en bas du col de la Pirogue, un point de fortes tensions. Prudence, donc.
- Paysage chaotique -
Le convoi exceptionnel se met en ordre de marche sur une route déserte en raison du couvre-feu imposé de 18H00 à 6H00. Les blindés progressent dans la nuit éclairée par quelques enseignes lumineuses. Des déchets semés ici et là n'empêchent pas les Centaure d'avancer et alors que le jour se lève, des carcasses de voitures noircies et des bâtiments entièrement brûlés apparaissent dans le paysage chaotique de la RT1, défoncée.
Mais ils n'obstruent pas la route et les blindés filent jusqu'au quartier du col de la Pirogue, objet de toutes les attentions.
L'endroit est le fief de certaines tribus kanak, qui ont longtemps bloqué la route de l'aéroport. Lundi, l'un des leurs a été gravement blessé avant de décéder vendredi. Il a été atteint par le tir d'un gendarme, hors service avec un collègue au moment des faits. Les deux gendarmes avaient fait usage de leur arme pour répliquer à des coups de feu, selon leur version.
Samedi, ni troncs d'arbres ni voitures et autres objets volumineux qui jonchaient la route lors des premiers jours des émeutes mais à la place des cailloux et branchages. Les gendarmes doivent tout de même sortir des véhicules pour déblayer à la main. Sous l'œil vigilant de la caméra thermique du Centaure, qui détecte la présence humaine cachée.
Deux personnes à 300 mètres à droite, dans un campement signalé par des drapeaux kanak accrochés entre deux arbres. Plus loin à gauche encore deux personnes dans un squat.
Sur la cinquantaine de kilomètres parcourus lors de ce premier trajet des trois blindés, il n'y a pas eu d'incidents, sur un axe plutôt bien dégagé.
"On s'aperçoit qu'il y a moins de carcasses que ce qu'il y a pu avoir, moins de débris. Ils utilisent maintenant plus d'obstacles végétaux parce qu'on leur enlève leurs jouets", relève l'adjudant-chef Vaugrenard, qui ne s'attendait pas à une contestation de "cette ampleur-là".
Les troubles, au cours desquels huit personnes sont mortes, dont deux gendarmes, ont été consécutifs au vote à l'Assemblée nationale de l'élargissement du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, une réforme accusée par les indépendantistes de marginaliser la population kanak.
Ces derniers jours, un calme relatif s'est installé. Des voitures roulent de nouveau sur la RT1.