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Dans un centre-ville de Nanterre verrouillé par les forces de l'ordre, la justice a organisé toute la journée de dimanche une reconstitution de la scène de la mort de Nahel, tué par le tir d'un policier le 27 juin 2023, un drame qui avait été suivi d'émeutes d'une ampleur exceptionnelle.
Dans cette affaire devenue pour certains un symbole des violences policières, la reconstitution, qui s'est déroulée dans le calme, a cherché à confronter les protagonistes du dossier à leurs déclarations contradictoires sur les circonstances qui ont mené un motard de la police à tirer sur l'adolescent de 17 ans.
D'après des éléments de l'enquête, à l'issue d'une course-poursuite, le Mercedes conduite par Nahel avait été arrêtée par la circulation. Une première version policière, selon laquelle le jeune homme aurait foncé sur un motard de la police, a rapidement été infirmée par une vidéo de la scène diffusée sur les réseaux sociaux.
On y voit deux policiers sur le côté du véhicule, braquant le conducteur de leurs armes. L'un d'eux lui tire dessus alors que le véhicule redémarre. La voiture s'encastre ensuite dans un bloc de béton, quelques dizaines de mètres plus loin.
Les policiers ont maintenu qu'ils étaient en danger de mort car coincés entre la voiture et un mur. Des témoins ont assuré qu'ils avaient entendu les policiers menacer l'adolescent. Les deux autres passagers de la voiture, âgés de 14 et 17 ans au moment des faits, ont assuré que Nahel avait été frappé à coup de matraque sur les bras.
La voiture jaune dans laquelle ils étaient au moment des faits a été transportée par une dépanneuse dimanche près de la place où l'adolescent a trouvé la mort, tandis qu'un véhicule similaire a été conduit pour réaliser la reconstitution, menée sous forte protection policière.
Gendarmes et policiers n'ont pas réagi quand ont retenti dans l'après-midi des détonations probablement nécessaires pour reproduire la scène.
Une douzaine de camions de forces de l'ordre et des barrières avaient été prépositionnés pour empêcher l'accès à la zone, des policiers avaient été déployés sur les toits du quartier et un drone a survolé la scène, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Derrière le déploiement important pour tenir à distance journalistes et badauds et sécuriser les lieux, le tronçon de route où le policier a tiré sur Nahel a été caché des regards par des barricades métalliques.
- Policiers cagoulés -
Les deux policiers intervenus lors du drame étaient cagoulés pour masquer leur identité. "Mon client est très menacé, il n'est pas question qu'on voit son visage, même en procédure", a expliqué l'avocat du mis en examen, Me Laurent-Franck Liénard, sur France Inter.
En présence de leurs avocats, le policier auteur du tir, le collègue qui l'accompagnait et plusieurs témoins ont été interrogés sur place par les juges d'instruction, soucieux d'établir si le brigadier Florian M., mis en examen pour homicide volontaire, était en danger de mort au moment où le coup de feu est parti.
"Ça c'est bien passé", a commenté Me Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel, en partant du lieu de la reconstitution, sans faire d'autres commentaires.
Me Liénard a également quitté la place sans s'exprimer.
"Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort", avait souligné Me Boudi auprès de l'AFP plus tôt dans la semaine.
Présente aux abords du dispositif, la mère de Nahel n'a pas voulu s'exprimer devant les médias.
Non loin de ce carrefour passant, certains bâtiments portent encore les stigmates des nuits d'émeutes qui avaient suivi la mort de l'adolescent de 17 ans.
Ecoles, tribunaux et autres bâtiments publics attaqués, magasins pillés: des dégâts estimés à un milliard d'euros ont été enregistrés à travers le pays, selon un rapport du Sénat.
Florian M., motard de la police âgé de 38 ans au moment des faits, a été placé en détention provisoire pendant cinq mois. Il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire en novembre après plusieurs demandes de son conseil.