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La lutte contre les prix abusifs dans les supermarchés américains est devenue l'un des principaux axes de la campagne de la candidate démocrate Kamala Harris, mais cette mesure électorale contre l'inflation attire les critiques non seulement des républicains, mais aussi des milieux économiques.
La proposition, avancée une semaine avant la convention démocrate, vise à "interdire les prix abusifs dans l'alimentation et les produits du quotidien", a expliqué son équipe de campagne, en "posant des règles claires" en la matière afin de limiter les profits "excessifs" et en renforçant les autorités de régulation.
La proposition, populaire parmi les démocrates, a provoqué de vives réactions chez les républicains, leur candidat Donald Trump y voyant la volonté "de mettre en place un contrôle des prix à la soviétique".
L'ex-président tente dans le même temps de capitaliser sur la hausse des prix observée aux Etats-Unis après la pandémie, espérant en profiter en vue des élections du 5 novembre en rendant les démocrates responsables de l'inflation.
Et la réalité économique l'aide: jamais depuis les années 1980 les Etats-Unis n'avaient été confrontés à une telle inflation, qui est montée jusque 9,1% sur un an en juin 2022.
Au total, les prix sont en moyenne 20% plus élevés aujourd'hui qu'avant la pandémie, et jusque 30% pour certains produits du quotidien.
Certes, les salaires ont globalement progressé plus que les prix mais la valse des étiquettes, en particulier sur les produits de consommation courante et le logement, est venue masquer la bonne santé de l'économie américaine, sur laquelle le président sortant Joe Biden espérait faire campagne -- avant son retrait.
Pointé du doigt, le secteur de la distribution s'est défendu, notamment par la voix du patron de la chaîne de supermarchés Target, Brian Cornell, demandant s'il "y avait un secteur plus compétitif que la distribution au niveau mondial ou avec des marges plus faibles".
En creux, la forte concurrence dans le secteur, qui leur offre peu de marge pour augmenter les prix, au risque de voir leurs clients se précipiter chez une autre enseigne.
- Un coût politique -
"Leurs marges sont très faibles", confirme Gary Hufbauer, chercheur pour le Peterson Institute for International Economics. "Elles ont progressé de deux points de pourcentage au plus fort du pic de l'inflation, on ne peut pas considérer ça comme signe de prix abusifs".
En réalité, les causes du pic d'inflation de ces dernières années sont parfaitement identifiées, rappelle Ryan Sweet, chef économiste pour Oxford Economics.
"C'est à la fois un choc d'offre, avec la perturbation de l'approvisionnement en biens", notamment du fait de goulots d'étranglement au large des ports ou d'une reprise progressive de la production, "et d'une demande en hausse, du fait d'un soutien budgétaire accordé aux foyers", le double effet d'une demande qui progresse et une raréfaction de l'offre entraînant les prix vers le haut.
La perception des consommateurs "qui connaissent bien souvent le prix de l'essence au centime près" fait le reste, oubliant que "nous ne retournerons pas vers les prix d'avant pandémie", insiste-t-il.
Faut-il dès lors en contrôler l'évolution? "On connaît déjà l'histoire et comment ça se termine: jamais bien", souligne M. Sweet, "c'était le cas dans les années 1970 et 1980, nous n'avons pas vraiment envie de reprendre ce chemin".
A l'époque, le double choc pétrolier, dans un contexte de fin de la convertibilité du dollar-or, avait provoqué une hausse brutale de l'inflation, à plus de 12% aux Etats-Unis fin 1974 et même plus de 14% en mai 1980, avant que la Réserve fédérale ne se décide à agir.
Dans ces situations, il est difficile de déterminer si les entreprises en profitent ou non.
"C'est plus facile à identifier lors d'une catastrophe naturelle par exemple", souligne Ryan Sweet, prenant l'exemple de l'ouragan Katrina, qui avait frappé la Louisiane en 2005: "les infrastructures ont été touchées et on a pu voir des prix abusifs dans les stations-services".
Plus que le coût dans la vie quotidienne, c'est bien le coût politique que les démocrates veulent s'éviter en s'emparant de la thématique.
A la fin des années 1970, la forte inflation "a provoqué la défaite de (Jimmy) Carter", estime M. Hufbauer, "je pense que c'est la principale raison qui l'a fait perdre face à (Ronald) Reagan" en 1980.
Une leçon bien retenue par les démocrates pour cette élection.