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Le conseil présidentiel de transition en Haïti, né de longues et difficiles tractations, a prêté serment jeudi après la démission officielle du Premier ministre Ariel Henry, et doit maintenant s'atteler à la lourde tâche de gouverner un pays en proie à la violence des gangs.
Les neuf membres du conseil - huit hommes et une femme - ont été investis lors d'une cérémonie en deux temps: d'abord au palais présidentiel, où ils ont été salués par une fanfare, puis à la Villa d'accueil, siège de la primature haïtienne, en présence de représentants du corps diplomatique et de la société civile.
Les Etats-Unis ont jugé qu'il s'agissait d'une étape "cruciale" pour l'organisation d'élections dans un pays qui n'en a pas connu depuis 2016. L'ONU a elle salué la mise en place de l'organe et appelé les nouvelles autorités à "accélérer la mise en oeuvre complète" de leurs engagements.
Pendant que le conseil prenait ses fonctions, des rafales d'armes automatiques ont été entendues dans le centre-ville de Port-au-Prince, près du palais présidentiel, et à Delmas, en banlieue, rappelant que malgré les prudentes avancées politiques, la population reste prise au piège de la violence.
Il s'agissait d'attaques de gangs et d'affrontements armés, ont indiqué des riverains à l'AFP.
"Madame et Messieurs les membres du conseil de transition, la cérémonie de ce matin vous confère officiellement les rênes du destin de la nation et de son peuple", a lancé devant les nouvelles autorités le Premier ministre par intérim, Michel Patrick Boisvert.
"C'est un soulagement pour le pays qui pourra ainsi continuer d'espérer et de croire au changement possible", a-t-il ajouté, soulignant "la lourde responsabilité" que l'organe assume désormais.
- "Echec cuisant" -
Première priorité du conseil, le "rétablissement de la sécurité publique", a affirmé l'une de ses membres, Régine Abraham.
Elle a également pointé, d'un ton sévère, "l'échec cuisant" du gouvernement sortant, "qui a totalement abandonné sa responsabilité de protéger sa population contre les violences criminelles".
Parallèlement, le Premier ministre contesté Ariel Henry, qui avait annoncé en mars qu'il démissionnerait une fois les nouvelles autorités installées, a officialisé le départ de son gouvernement dans un courrier daté de mercredi mais rendu public jeudi.
En attendant la formation d'un nouveau cabinet, Michel Patrick Boisvert a été nommé Premier ministre intérimaire.
M. Boisvert signait déjà nombre de communiqués officiels ces dernières semaines, Ariel Henry n'ayant pas pu regagner son pays après un déplacement au Kenya et se trouvant aux Etats-Unis.
Le conseil de transition doit maintenant former un nouveau gouvernement et nommer un Premier ministre.
- Violence des gangs -
Il aura fallu plusieurs semaines de négociations complexes, marquées par des revirements, pour que le conseil voie le jour. En cause, des désaccords entre les partis politiques et les autres parties prenantes mais aussi avec le gouvernement sortant.
L'organe est composé de sept membres avec droit de vote, représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Deux observateurs sans droit de vote portent en outre la voix l'un de la société civile, l'autre de la communauté religieuse.
Haïti pâtit depuis des dizaines d'années d'une instabilité politique chronique. Mais fin février, les gangs, dont la violence ravageait déjà des pans entiers du territoire, ont lancé des attaques coordonnées contre des sites stratégiques, disant vouloir renverser Ariel Henry.
Ce dernier, nommé quelques jours avant l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, était fortement contesté.
Le 11 mars, le même jour où se tenait une réunion entre Haïtiens et plusieurs organisations et pays comme les Etats-Unis, il a annoncé qu'il allait démissionner pour laisser la place à un conseil de transition.
Sans président ni parlement, Haïti n'a connu aucune élection depuis 2016.
La capitale est à 80% aux mains des bandes criminelles, accusées de nombreuses exactions, en particulier meurtres, viols, pillages et enlèvements contre rançon.
Une mission internationale de sécurité soutenue par l'ONU et censée être menée par le Kenya est toujours dans les limbes.
Le secrétaire général de l'ONU a de nouveau exhorté jeudi au déploiement "rapide" de cette force, selon son porte-parole.