Partager:
Avec 77.450 détenus au 1er avril, la surpopulation carcérale a atteint un niveau sans précédent en France, selon des chiffres publiés mardi par le ministère de la Justice, contraignant notamment 3.307 détenus à dormir sur un matelas posé à même le sol de leur cellule.
C'est le septième mois consécutif que la population carcérale augmente. En un an, le nombre de détenus a progressé de 6%.
Au 1er avril, les capacités des prisons françaises étaient de 61.570 places opérationnelles. Dans ces conditions, la densité carcérale globale s’établit à 125,8%, soit 5,8% de plus qu’il y a un an.
Dans les maisons d'arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement, et donc présumés innocents, et ceux condamnés à de courtes peines, la densité carcérale atteint 150,4%.
Elle atteint ou dépasse même les 200% dans 17 établissements ou quartiers. C'est le cas notamment à la maison d'arrêt de Bordeaux-Gradignan où la densité carcérale est de 226,7% avec 798 détenus pour 352 places, ou à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses où la densité carcérale atteint 201% avec 1.166 détenus pour 580 places.
Parmi les personnes incarcérées, 20.438 sont des prévenus, incarcérés dans l'attente de leur jugement.
Au total, 94.643 personnes étaient placées sous écrou au 1er avril. Parmi elles, on compte 17.193 personnes non détenues faisant l'objet d'un placement sous bracelet électronique ou d'un placement à l'extérieur.
Face à cette surpopulation carcérale chronique, le Conseil de l'Europe a exprimé à la mi-mars sa "profonde préoccupation". En juillet dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait condamné la France pour ses conditions "indignes" de détention.
Les autorités françaises ont pris des mesures pour tenter de remédier à la surpopulation carcérale: interdiction des peines de prison de moins d'un mois, aménagement des peines, détention à domicile sous surveillance électronique ou développement du travail d'intérêt général par exemple. Mais ces mesures s'avèrent insuffisantes.
- "Zéro délinquance" -
Le Conseil de l'Europe a notamment invité les autorités françaises à "examiner sérieusement et rapidement l’idée d’introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale".
Le gouvernement table toujours sur la construction de 15.000 nouvelles places de prison d'ici à 2027 pour résorber le problème.
"A ce rythme-là, la livraison de 15.000 places supplémentaires ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau", a mis en garde le syndicat du personnel pénitentiaire UFAP-Unsa.
"Il est plus que nécessaire d’envisager une réforme du schéma carcéral à long terme avec la création d’établissements spécialisés et adaptés à taille humaine, le développement des mesures alternatives et une réflexion sur le sens de la peine", souhaite le syndicat qui a demandé au gouvernement "des mesures d'urgence" et invité le personnel pénitentiaire "à se préparer à une mobilisation massive pour dénoncer leurs conditions de travail".
Craignant que "les prisons s'enflamment ou que survienne un drame", le syndicat FO-justice a également demandé au garde des Sceaux "d'agir en urgence" pour "stabiliser durablement les taux de densité carcérale dans l’ensemble des établissements".
Au début de l'année, la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) et 34 autres associations, syndicats et institutions avaient demandé au gouvernement de se résoudre à mettre en place un "dispositif contraignant de régulation de la population carcérale", sans que leur demande soit suivie d'effets.
Avec le Covid et le confinement du printemps 2020, le gouvernement avait pris des mesures permettant de réduire drastiquement le nombre de détenus en prison.
Pour la première fois en vingt ans, le taux d'occupation des prisons était alors passé sous la barre des 100%, avant de remonter rapidement.
Le phénomène de surpopulation carcérale ne semble pas sur le point de s'inverser alors que la tendance est plutôt à la fermeté, notamment avec les opérations antidrogue dites "place nette" qui accentuent encore la surpopulation carcérale.
A l'approche des Jeux olympiques de Paris (26 juillet - 11 août), les autorités affichent un objectif "zéro délinquance" et les juridictions se préparent à multiplier les audiences de comparution immédiate, à l'origine d'un nombre important d'incarcérations.