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Les talibans ont "délibérément privé" 1,4 million d'Afghanes d'enseignement secondaire depuis leur retour au pouvoir, il y a trois ans jour pour jour, d'après les données publiées jeudi par l'Unesco.
"L'Afghanistan est aujourd'hui le seul pays au monde à interdire l'accès à l'éducation aux filles de plus de 12 ans et aux femmes", déplore la directrice générale de l'Unesco, Audrey Azoulay, dans un communiqué.
"Le droit à l'éducation ne peut souffrir d'aucune négociation et d'aucun compromis. La communauté internationale doit rester pleinement mobilisée pour obtenir la réouverture inconditionnelle des écoles et des universités aux filles et femmes afghanes".
En comptant celles qui étaient déscolarisées avant même le retour des fondamentalistes au pouvoir, ce sont aujourd'hui 2,5 millions d'Afghanes qui sont privées d'éducation secondaire, soit 80% des jeunes filles en âge d'aller à l'école.
Les talibans ont aussi interdit aux femmes de donner des cours aux garçons, alors même que le pays souffre d'une pénurie d'instituteurs qualifiés.
Ces restrictions fragilisent le système scolaire dans son ensemble et entraînent parallèlement une "baisse drastique" des inscriptions dans l'enseignement primaire, y compris celles de garçons, ainsi que dans l'enseignement supérieur, 53% depuis 2021, note l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture.
Derrière ce phénomène, l'Unesco s'inquiète de possibles hausses "du travail des enfants et des mariages précoces", mais aussi d'une pénurie de compétences, susceptible de nuire au développement du pays sur le long terme.
Pour contourner les interdits et proposer des alternatives aux familles afghanes, des initiatives se sont développées, localement et depuis l'étranger.
L'ONG Begum Organization for Women, basée à Paris, a fondé une radio en mars 2021 puis une chaîne de télévision câblée en mars 2024.
Chaque jour, six heures de contenus éducatifs télévisés sont préparées par une équipe de dix journalistes afghanes et diffusées par satellite vers l'Afghanistan dans les deux langues du pays, le dari et le pachto.
L'Unesco, qui accompagne de nombreuses initiatives telles que Begum TV, souligne par ailleurs que "rien ne peut remplacer l'éducation en personne dans une salle de classe".
L'organisation onusienne précise que "plus de 1.000 facilitateurs, dont 780 femmes, ont été formés à dispenser des cours d'alphabétisation" bénéficiant déjà à "plus de 55.000 jeunes, dont une grande majorité de filles, dans près de 1.900 villages.
Mais la tâche reste immense au regard du nombre de personnes déscolarisées".
Depuis leur retour au pouvoir en août 2021, les talibans ont imposé leur interprétation très restrictive de la loi islamique, la charia, multipliant les mesures liberticides envers les femmes, une politique qualifiée d'"apartheid de genre" par l'ONU.
Les femmes ont ainsi été en grande partie bannies des administrations publiques.
Il leur est interdit d'entrer dans les parcs, jardins, salles de sport et bains publics et elles sont obligées de se couvrir intégralement lorsqu'elles sortent de chez elles.
Une politique qui explique en grande partie l'isolement des talibans sur la scène internationale, leur gouvernement n'ayant été reconnu formellement par aucun pays à ce jour.