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Dans une ville du Midwest, des bénévoles aident les Haïtiens sur fond de rumeurs racistes

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ROBERTO SCHMIDT

Dans un petit immeuble de Springfield, le FBI débarque après des appels menaçant les étrangers dans cette petite ville au coeur de la rhétorique anti-migrant de Donald Trump. Mais dans l'une des salles, le vrai problème est tout autre: comment prononcer "réfrigérateur" en anglais.

L'une des pièces de cet immeuble fait office de salle de classe, où cinq immigrés haïtiens, assis devant un tableau blanc, hésitent mais redoublent d'effort pour s'adapter à l'anglais américain, avec leur accent créole et leur connaissance du français.

Les bénévoles qui organisent le cours d'anglais donnent à voir un autre visage de cette ville de l'Ohio, Etat du Midwest dans le nord des Etats-Unis.

Springfield s'est retrouvée sous les feux de l'actualité en pleine campagne présidentielle tendue, avec des rumeurs racistes amplifiées par la droite, selon lesquelles les migrants haïtiens y mangeraient les chats, les chiens et autres animaux de compagnie.

Ces derniers jours, ces allégations infondées, largement relayées par le candidat républicain Donald Trump, se sont transformées en menaces à la bombe et fermeture temporaire d'écoles, avec une police sur les dents et des immigrés plongés dans la peur.

- "Aider" -

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ROBERTO SCHMIDT

"Je veux simplement aider", confie à l'AFP Hope Kaufman, la retraitée qui dirige le cours. "C'est dur de se retrouver dans une nouvelle culture, avec une nouvelle langue. Je veux contribuer comme je peux, même si ce n'est pas grand-chose", dit-elle.

Très majoritairement blanche, Springfield a vu sa population augmenter ces dernières années. Quelque 10 à 15.000 Haïtiens sont arrivés dans une ville qui comptait moins de 60.000 habitants en 2020, attirés par la reprise économique à Springfield alors qu'il fuyaient la grave crise sécuritaire dans leur pays.

Mais les frustrations sociales de certains habitants de la ville ont fini par dégénérer en rumeurs racistes qui, dans cette campagne présidentielle très serrée, ont gagné un écho national.

Elles n'ont toutefois pas perturbé la salle de classe de Hope Kaufman qui continue d'inscrire de nouveaux mots de vocabulaire sur le tableau: "évier", "placard" et autres meubles indispensables dans une maison.

"Dans mon salon, j'ai plus d'une chaise", lance joyeusement Hope Kaufman pour expliquer la différence de prononciation en anglais entre le pluriel et le singulier. "OK", répond d'un air bien concentré l'élève Edougie Joseph, les yeux rivés sur le tableau.

- "Poétique" -

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ROBERTO SCHMIDT

"Je vis dans ce pays. Si on ne parle pas anglais, on ne peut pas travailler, on ne peut pas s'exprimer avec les gens de ce pays", explique en français à l'AFP cet ouvrier haïtien de 45 ans.

Pas toujours facile. "Le plus difficile, c'est +refri... refrigere+", hésite Yranor Estime, un manutentionnaire de 45 ans, qui finit par renoncer à prononcer "refrigerator" (réfrigérateur, en anglais). Mais le mot "cabinet" avec l'accent américain, s'amuse-t-il, sonne "poétique".

L'atmosphère studieuse se transforme en rires nerveux lorsque les élèves tirent des cartes dans le cadre d'un jeu de mémoire pour lequel ils ont tenu à partager les réponses et à s'entraider.

L'heure de cours passe. Et une grande partie du vocabulaire d'une maison a été appris, de "cuisinière" à "canapé".

En sortant de la salle de classe, les élèves de Hope Kaufman vivront au rythme des polémiques anti-migrants de la campagne présidentielle. En attendant, ils pensent déjà au cours de la semaine prochaine: la salle de bain.

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