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Dans l'Ouest de l'Ukraine, Starokostiantyniv craint l'arrivée des F-16

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Florent VERGNES

Starokostiantyniv, son château, sa tour médiévale, sa plage... ses explosions. Chaque semaine, la ville tremble sous les bombardements russes, une situation singulière dans l'Ouest de l'Ukraine, région relativement épargnée par la guerre.

Si "Starkon", comme l’appellent ses habitants, est victime de frappes en série depuis deux ans et demi, c'est que, de l'autre côté de la rivière Sloutch, se trouve un important aérodrome militaire, la base de la 7e brigade d’aviation tactique.

"D’ici on voit bien les explosions. On les entend comme si on y était", raconte Olena Chpatchenko, penchée à la fenêtre du château du XVIIe siècle, qui se dresse au milieu des joncs bordant le cours d'eau.

Guide au musée d'Histoire, cette trentenaire connaît la ville comme sa poche. Depuis plus de deux ans maintenant, elle regarde voler les drones explosifs et les missiles supersoniques de l'ennemi.

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Florent VERGNES

"On a des problèmes de voisinage", ironise Olena, la base "est si proche, les missiles peuvent venir jusqu’ici", explique-t-elle, montrant des icônes anciennes pendues au-dessus de son bureau, abîmées par le souffle des explosions.

Selon la guide, les bombardements se sont intensifiés ces dernières semaines. En cause, la livraison prochaine d’avions de chasse F-16 américains, promis de longue date par les alliés occidentaux de l'Ukraine.

"On est super nerveux avec l’arrivée des F-16. S’ils les parquent ici, les attaques vont augmenter et les débris (des missiles et drones abattus, NDLR) vont tomber sur la ville", résume la jeune femme, qui a déjà interdit à ses filles de jouer dehors.

- On prie -

Selon une source occidentale dans le secteur de la défense interrogée par l'AFP, la base de Starokostiantyniv, équipée d’abris semi-souterrains datant de la période soviétique, est une candidate idéale à l’accueil de ces appareils qui doivent aider l'Ukraine à contrer les attaques de Moscou.

Si, depuis des décennies Starokostiantyniv vit au rythme des rugissements de l'armée de l'air, la tension est montée d’un cran.

"Les autorités ont organisé un exercice à grande échelle en cas de frappe nucléaire. Selon elles, la base est une cible prioritaire de Moscou", raconte Olena jetant un regard angoissée par la fenêtre.

"On prie pour que les F-16 ne viennent pas ici", confie-t-elle.

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Florent VERGNES

Tout au long de la journée, le ciel se zèbre de traînées noires, rejetées par les tuyères des appareils. Une odeur de poudre et de kérosène envahit parfois les rues, et dans les bois environnants se cachent les camions-citernes, entourés de militaires jouant aux cartes dans l'attente d'une mission.

Le soir, lorsque les lumières s’éteignent par mesure de sécurité, un ballet de pick-ups se met en branle. Équipés de mitrailleuses 12.7, ils partent abattre d’éventuels drones d'attaque.

La base est également la cible de missiles, qui doivent eux être interceptés par des systèmes bien plus sophistiqués et dont l'Ukraine manque cruellement.

"Depuis un mois, les Russes augmentent la puissance des munitions (utilisées) et les modernisent" explique Anatoliï, commandant d’unité anti-aérienne mobile.

Sur le champ d'entraînement de tir de la 7e brigade, un vol d'étourneaux fuit le bruit d’un avion de chasse, alors que le groupe de militaires monte une mitrailleuse en discutant. En tirant sur sa cigarette, le commandant développe: "les Russes utilisent maintenant des armes à sous-munitions dans le but d’abîmer les chasseurs au sol. Un (tel) missile peut couvrir une surface de 100 mètres carrés."

- Je ne bougerai pas -

Quand on lui demande si ce changement de tactique est dû à la présence supposée ou à venir des F-16, Anatoliï hésite, avant de répondre en souriant: "les Russes, ces imbéciles, ne devineront jamais où ils sont."

Dans son château, Olena se morfond. Les chiffres sont clairs : la fréquentation touristique de la ville a drastiquement chuté.

"Les militaires, les attaques… ça décourage les gens de venir. Des débris de drones sont déjà tombés sur la plage en contrebas" soupire-t-elle. "Une fois, une famille a entendu un avion en rase-mottes, ils ont jeté leurs affaires et se sont enfuis du château en courant."

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Florent VERGNES

De nombreux réfugiés ukrainiens de l'Est, épicentre de la guerre, sont repartis aussi.

Au pied du château, sur la plage, Valéry, un habitant septuagénaire, connaît le grondement des moteurs des avions qui décollent et atterrissent par coeur et continue, malgré les bombardements, de nager dans la rivière tous les matins.

"Je suis effrayé par l’arrivée des F-16, je ne sais pas ce qu’il va arriver à la ville s’ils viennent ici. Avant d'ajouter, déterminé: "quoi qu’il arrive, je ne bougerai pas".

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