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"Camarade Kamala": Trump et la peur du grand méchant Rouge face à Harris

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Adam GRAY

"Tout le monde sait qu'elle est marxiste": lors de son récent débat face à Kamala Harris, Donald Trump a de nouveau usé d'une rhétorique invoquant la "peur rouge" aux Etats-Unis. Le but? Dépeindre sa rivale démocrate en dangereuse extrémiste de gauche.

L'ex-président républicain a multiplié ces dernières semaines les accusations envers la vice-présidente, qualifiée tant de "marxiste" que de "communiste".

Celle qu'il affuble souvent du sobriquet "camarade Kamala" se revendique pourtant comme capitaliste. Elle ne porte pas vraiment des idées dignes du théoricien allemand du XIXe siècle ou des différents courants de gauche radicale qui en ont découlé le siècle suivant.

"Ce n'est pas une marxiste, ce n'est pas une communiste", fait valoir Thomas Zeitzoff, professeur à l'American University. Mais pour le camp républicain, utiliser de tels termes "est un moyen de dire qu'elle est extrême", dit à l'AFP ce spécialiste de la violence en politique.

Car Donald Trump utilise ici un ressort ancien de l'histoire politique américaine: le "red baiting" qui vise à provoquer en agitant le chiffon rouge.

- Paranoïa -

La stratégie consiste à "apposer une étiquette de communiste, ou de socialiste, ou de rouge" sur des opposants politiques, "non seulement pour les dénigrer, mais aussi pour qu'ils ripostent et se présentent peut-être sous un jour peu plaisant", explique Barbara Perry, professeure d'études présidentielles à l'université de Virginie.

"Communiste", "socialiste", "rouge", autant de termes "très connotés dans ce pays", marqué par plusieurs vagues de "peur rouge" au sortir des deux guerres mondiales, explique-t-elle. Deux périodes où le pays a ainsi eu tendance à "se replier sur soi" face aux craintes de voir l'idéologie marxiste se propager.

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Dans les années 1950, sur fond de rivalité avec l'Union soviétique, cela s'est traduit par le maccarthisme, du nom du sénateur Joseph McCarthy, "appâteur de Rouges et chasseur de sorcières" en chef au Congrès américain, comme le raconte Barbara Perry.

Ce conservateur, fervent anticommuniste, met alors en garde contre l'infiltration supposée de communistes dans toutes les strates de la société américaine et crée ainsi un climat généralisé de paranoïa à travers le pays, avant de tomber en disgrâce.

"Le +red baiting+ a une longue histoire aux Etats-Unis, et il est intéressant d'assister à son retour" aujourd'hui, estime Thomas Zeitzoff.

Le chercheur identifie d'ailleurs un fil conducteur entre Joseph McCarthy et Donald Trump, en la personne de Roy Cohn. Cet avocat, conseiller du sénateur conservateur dans sa "chasse aux Rouges", fut le mentor du magnat de l'immobilier et futur président dans les années 1970.

- "Spaghettis jetés au mur" -

Kamala Harris est devenue la candidate du Parti démocrate à la présidentielle de novembre il y a quelques semaines seulement. Donald Trump utilise donc le "red baiting" en partie pour brosser un portrait peu flatteur de sa rivale, à destination des Américains qui ne la connaissent encore pas bien.

Et pour expliquer ce choix du candidat républicain, Thomas Zeitzoff et Barbara Perry utilisent tous deux la même métaphore, celle "des spaghettis jetés au mur pour voir ce qui reste collé". Donald Trump a choisi de la dépeindre en marxiste comme il aurait pu choisir un autre thème péjoratif.

Mais l'ex-président espère tout de même attirer une certaine catégorie d'électeurs "en taxant Kamala Harris de marxiste", souligne Thomas Zeitzoff, notamment les électeurs hispaniques et latinos. Parmi cet électorat clé, beaucoup sont issus de familles qui ont fui des pays communistes et en gardent un souvenir très défavorable.

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SERGIO FLORES

Donald Trump vise également une autre catégorie de population, selon Barbara Perry: les plus âgés.

"Des gens qui se souviennent de l'apogée de la Guerre froide", et qui estiment "encore aujourd'hui que le communisme, c'est mal".

Reste à savoir quels effets réels le candidat républicain peut espérer pour sa campagne.

Dans son livre "Nasty Politics", Thomas Zeitzoff démontre comment la "rhétorique méchante" -- insultes, théories du complot, intimidation -- utilisée par certains responsables politiques, aux Etats-Unis en particulier, a démontré une certaine inefficacité à convaincre les électeurs à travers le monde.

Pour autant, les élections à venir "sont vraiment serrées, avec des marges vraiment étroites".

Ce "red baiting" de Donald Trump pourrait donc "persuader certaines personnes à la marge", selon le chercheur.

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