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Soif spirituelle ou besoin de fraternité, l'Eglise enregistre un bond des baptêmes chez les adultes et les jeunes, avec un défi majeur: comment accompagner ces nouveaux venus pour qu'ils ne disparaissent pas des radars après quelques années?
La célébration de Pâques marquera cette année le baptême de 7.135 adultes (en augmentation de 31%) et de 5.025 adolescents (en hausse estimée à 50%), selon une enquête de la Conférence des évêques de France (CEF) publiée mercredi.
Les chiffres restent certes modestes, à l'image d'une Eglise qui ne baptise plus que 65.000 bébés par an (et 220.000 personnes au total en moyenne), selon des chiffres de 2022.
Mais la hausse intervient après une année 2023 déjà marquée par une progression de 28% des "catéchumènes" (postulants au baptême) adultes.
"Il ne s'agit pas d'un rattrapage" après le Covid "mais d'une tendance de fond", assure Catherine Chevalier, chargée de la catéchèse et du catéchuménat à la CEF.
Surtout, la hausse est portée par le dynamisme des jeunes, qui avaient déjà été 45.000 à se rendre depuis la France aux JMJ (journées mondiales de la jeunesse) à Lisbonne l'an dernier. Les 18-25 ans représentent désormais 36% des nouveaux baptisés.
Leurs parcours sont variés.
"Mes parents ont été surpris que je retourne à l'église, ils sont un peu dans la logique +si on est intelligent on ne croit pas en Dieu+", explique à l'AFP Sacha Stock, 28 ans, baptisé en 2023.
Mais "il y a un retour à la foi, dans le monde compliqué qui est le nôtre on a besoin de retrouver du sens", ajoute l'agent immobilier d'Igny (Essonne), dont la soeur s'est plus rapprochée de l'islam. Il assure parler "facilement" de sa démarche avec ses amis, "sans honte ni scrupules".
Catherine Chevalier confirme cette tendance générationnelle: "Les jeunes abordent la question de la foi de façon plus décomplexée que les générations précédentes".
- "Appel" -
"La majorité de mes collègues sont religieux, ça n'étonne personne", raconte Melvil C, technicien de 21 ans, originaire d'Orly, et venu à l'Eglise "après un décès dans (sa) famille" même s'il y "réfléchissai(t) déjà avant".
A Créteil où il sera baptisé samedi soir, Ashley Jean-Baptiste, 16 ans, explique avoir été voir "chez les chrétiens, chez les musulmans" avant de trancher: "j'ai ressenti chez les catholiques comme un appel profond". Comme beaucoup, le lycéen d'origine haïtienne assure avoir trouvé sa voie "après le Covid".
La CEF observe une hausse "significative" des baptisés issus de familles "sans religion" (un quart des catéchumènes adultes) et une augmentation des baptêmes en milieu rural (29% du total).
"Un certain nombre viennent de villages ou il n'y a pas un seul chrétien!", affirme à l'AFP l'évêque du Jura Jean-Luc Garin, qui évoque un "déclic" dans le parcours de beaucoup de catéchumènes: "la moitié sont passés par des épreuves terribles qui ont déclenché une recherche spirituelle".
Mais pour l'Eglise, la difficulté est de garder ces nouveaux venus, dont beaucoup appréhendent de se retrouver livrés à eux-mêmes après deux ans de préparation intense.
"J'ai un peu peur de la lassitude, de la difficulté à conserver ce feu", témoigne à Créteil Angèle Louise Fogaing, 17 ans, qui envisage d'"aller à l'église, s'entourer d'amis chrétiens, prier..."
La CEF ignore combien de néophytes sont encore présents un an après leur baptême mais reconnaît "un véritable enjeu d'accompagnement dans les premières années de la vie chrétienne".
"Nous allons devoir ajuster nos pratiques", a affirmé à Famille chrétienne le président de la CEF Eric de Moulins-Beaufort.
Catherine Chevalier évoque elle diverses initiatives prises dans les diocèses: fraternités, groupes de partage... voire dans une paroisse des "moments conviviaux" avec "des apéros une fois pas mois".
Dans le Jura, Mgr Jean-Luc Garin a demandé aux anciens catéchumènes d'"apporter leur énergie" avec des suggestions. "Certains ont proposé +que la paroisse devienne comme une famille+, d'autres +la messe, moins mais mieux+... C'est significatif d'un besoin de fraternité et de liturgie joyeuse", estime-t-il.