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Samiullah Omari a retrouvé les corps de sept de ses proches. Mais trois jours après les crues subites qui ont ravagé son village du nord de l'Afghanistan, deux autres manquent toujours, probablement recouverts par la boue qui s'accumule alors que les secours peinent à arriver.
"On a beaucoup cherché mais on ne trouve toujours pas les corps de mon oncle et de son petit-fils, ils doivent être ensevelis dans la boue", lâche à l'AFP ce travailleur journalier de 24 ans qui dit avoir survécu "grâce à Dieu".
Alentour, sur des kilomètres, la boue recouvre tout. Ici et là, gisent des animaux morts, seuls des membres émergeant parfois de l'épaisse vase brunâtre.
Déjà, l'ONU note une augmentations des cas de diarrhées et de pathologies de la peau, redoutant des épidémies de maladies transmises par l'eau dans un pays au système de santé à genoux.
- "Jamais vu" -
"Ni moi ni mon père", âgé de 70 ans, "n'avons jamais vu des inondations comme celles-ci", affirme M. Omari, alors qu'en quelques heures vendredi, de violents torrents d'eau ont tué plus de 300 personnes, détruit des milliers de maisons et inondé des hectares de culture dans la province de Baghlan.
Lui a pu précipitamment se réfugier dans une maison en hauteur, avec "60 ou 70 voisins" de son village de Fouloul. Mais sans rien emporter de sa maison aujourd'hui détruite.
"Nous n'avons plus rien", dit-il. "Je ne possède plus que les habits que je porte, nous avons reçu de la nourriture et de l'eau mais il nous faut un abri". En attendant, "nos femmes et nos enfants sont réfugiés chez des proches" dans les villages alentours, poursuit-il.
"Il nous faut des tentes, on dort dehors avec trois ou quatre autres familles, on ne sait pas où aller, on ne sait pas où s'installer", se lamente de son côté Amanullah, 60 ans, qui ne porte qu'un nom.
"On a tout perdu et on ne sait pas comment tout recommencer", répète ce patriarche d'une famille de 25 personnes, qui a vu les eaux engloutir sa maison et son bétail, un bien précieux en Afghanistan où 80% des plus de 40 millions d'habitants dépendent de l'agriculture pour leur survie.
Mais avant de recommencer, il faut déblayer, retrouver les disparus pour pouvoir les enterrer dignement et tenter de redessiner un paysage entièrement dévasté par la boue qui a emporté maisons, ponts et chaussées sur son chemin.
"On continue à chercher les corps", raconte ainsi à l'AFP Ghoulam Rassoul Qani, dignitaire tribal de Fouloul. Cet Afghan de 45 ans assure que, déjà, 150 villageois ont été enterrés dans la vallée. "A chaque instant, notre liste de victimes s'élargit", dit-il.
- "Confiance" -
Quant à l'acheminement de l'aide, dans ces zones escarpées, elle est un vrai casse-tête, même depuis les airs.
"On a vu des hélicoptères envoyés par l'armée dès vendredi soir, mais avec la météo, ils ont préféré rebrousser chemin", affirme M. Qani.
L'ONU et le gouvernement taliban continuent d'acheminer par avion des tentes, des couvertures et des rations de nourriture. Mais, entre routes bloquées et portions d'asphalte écroulées, les camions d'aide doivent souvent attendre des heures que des pelleteuses et autres bulldozers de l'armée dégagent des passages.
"Personne ne peut encore évaluer l'ampleur des dégâts, mais l'Afghanistan n'a pas les ressources nécessaires pour une catastrophe de cette taille", prévient l'ONU. Le pays, l'un des plus vulnérables au changement climatique, est de longue date aussi connu pour être l'un des moins préparés pour faire face à ses conséquences.
Mohibullah Mohaqiq, lui, se veut malgré tout optimiste.
Ce dignitaire tribal de 66 ans dit déjà vouloir reconstruire. Une gageure dans un pays où des milliers d'habitants attendent toujours de nouvelles maisons six mois après les séismes qui ont ravagé l'Ouest.
"Nous allons reconstruire les ruines et faire reverdir la zone", dit-il à l'AFP les larmes aux yeux. "Je fais confiance à mes compatriotes, nous allons nous serrer les coudes."