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Les fabricants d'alternatives végétales à la viande ne peuvent se voir interdire d'utiliser les mots "steak" végétal ou "saucisse" végétale, a jugé vendredi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), infligeant un nouveau revers pour l'Etat français, qui comptait conforter par là les filières animales.
Pour la Cour, à défaut d'avoir adopté une dénomination légale spécifique à une denrée, un Etat ne peut interdire l'utilisation de termes "usuels" visant à désigner un produit.
"Un Etat membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales" d'utiliser des "noms usuels ou (des) noms descriptifs", souligne l'arrêt.
Après le vote d'une loi en 2020, le gouvernement avait publié deux décrets pour répondre à une revendication déjà ancienne des acteurs de la filière animale, pour qui des termes comme "jambon végétal", "saucisse vegan" ou "bacon végétarien" peuvent créer la confusion chez les consommateurs.
Ces deux textes, pris en juin 2022 puis en février 2024, avaient été aussitôt contestés par des acteurs du secteur des produits végétariens et végétaliens tels que l'association Protéines France, qui défend les intérêts de la filière.
Ils avaient tous les deux été suspendus en référé par le Conseil d'Etat, dans l'attente de cet avis de la CJUE sur leur conformité avec le règlement européen.
Le juge des référés, en avril, avait considéré que le second décret, qui prévoyait une interdiction à compter du 1er mai, "porterait une atteinte grave et immédiate aux intérêts des entreprises" de produits végétaux, qui auraient notamment dû modifier leurs emballages en urgence.
- "kafkaïen" -
"Il revient maintenant au Conseil d'Etat français de rendre une décision définitive", a souligné vendredi un porte-parole de la Commission européenne, interrogé lors du point presse quotidien à Bruxelles.
"Les professionnels de la filière Elevage et Viande déplorent que cette décision valide l’usurpation des codes d’un produit naturel et sans additif pour commercialiser des produits ultra-transformés", a réagi vendredi l'Interbev, l'association interprofessionnelle du bétail et des viandes.
De son côté, pour la marque française de viande végétale La Vie, c'est "une victoire tant attendue".
"Nous pouvons donc continuer d’utiliser les dénominations usuelles, comme +lardons végétaux+ et +jambon végétal+, des dénominations qui sont les plus claires pour les consommateurs", a réagi Nicolas Schweitzer, le directeur général de l'entreprise.
Pour l'avocat de la marque et de Protéines France, Guillaume Hannotin, "steak végétal est une appellation d'usage qui existe depuis plus de 40 ans". Pour lui, accoler à "steak" l'adjectif "végétal" a le mérite de la clarté.
"La France, en choisissant d'interdire de recourir au mot +steak+, empêchait les producteurs de nommer leurs produits, c'est kafkaïen", ajoute l'avocat pour qui cette démarche visait à "faire sortir (le secteur) du marché".
L'Europe, dans son règlement sur l'information des consommateurs, autorise la dénomination de produits végétaux par des termes habituellement utilisés pour la viande animale.
En revanche, souligne la Cour vendredi, "si une autorité nationale estime que les modalités concrètes de vente ou de promotion d'une denrée alimentaire induisent en erreur le consommateur, elle pourra poursuivre l'exploitant".
Le dernier décret du gouvernement français visant à interdire ces termes figurait parmi les engagements pris pour apaiser la colère des agriculteurs cet hiver. Il avait été publié pendant le dernier Salon de l'agriculture.