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Coup de théâtre dans les institutions européennes. Le commissaire français au marché intérieur Thierry Breton a claqué la porte de la Commission. Il a démissionné avec effet immédiat, il se dit désavoué par la présidente Ursula von der Leyen. L'ancien grand patron s'était surtout fait connaître pour sa lutte contre les abus de pouvoir des géants du numérique. Il sera donc remplacé par l'actuel ministre français des Affaires étrangères.
Quand la nouvelle de la démission de Thierry Breton est tombée hier matin, la réaction de bien des journalistes a été de se dire "Ah ! c'est parce qu'il va entrer au gouvernement !". Cet ancien grand patron, âgé de 69 ans, dirigeant autrefois de Thomson et de France Télécom, a en effet été de 2007 à 2009 ministre de l'Économie et des Finances de Nicolas Sarkozy.
En 2017, il a soutenu la candidature d'Emmanuel Macron à la présidentielle, ce qui lui a valu comme récompense d'être nommé commissaire européen en 2019. Son entrée dans un gouvernement, qui a du mal à se constituer, n'aurait pas été aberrante, même si la France l'avait déjà désigné pour rester commissaire à Bruxelles. Funeste erreur ! Thierry Breton a démissionné non pas pour devenir ministre, mais parce qu'il ne s'entend pas avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. A tel point qu'en juillet, quand elle s'est présentée à sa propre succession, il a, dans les coulisses, fait campagne contre elle.
Que reproche-t-il à la présidente de la Commission?
Dans sa lettre de démission, il l'accuse d'avoir demandé secrètement à Emmanuel Macron de nommer un autre Français à la Commission, en lui promettant de lui accorder plus de pouvoir. Le commissaire français lui reproche également une gouvernance douteuse. Il est vrai que la présidente allemande est connue pour son autoritarisme et son exercice solitaire du pouvoir.
Pourtant, le bilan de Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, était plutôt bon. Il a mis sur les rails les législations sur la Big Tech. Il a permis à l'Europe de recevoir des vaccins contre le Covid, en mettant la pression sur les groupes pharmaceutiques. Il a stimulé les industries de défense, lancé la constellation satellitaire Iris II. Il a défendu fermement l'énergie nucléaire, etc. Mais ce n'était pas suffisant pour von der Leyen qui le considérait comme trop français. C'est-à-dire trop indépendant et trop sûr de lui. Elle a accepté sans hésitation sa démission, en le remerciant de façon très formelle.
Dans la journée, Emmanuel Macron a présenté pour sa succession le ministre des Affaires étrangères sortant, Stéphane Séjourné, 39 ans, en souhaitant pour lui un portefeuille clé centré sur les enjeux de souveraineté industrielle, de technologie et de compétitivité européenne, avec un statut de vice-président. Faut-il encore qu'il réussisse son grand oral devant le Parlement européen. S'il passe ce cap, Emmanuel Macron aura au moins réussi à recaser un de ses ministres préférés. Par les temps qui courent, ce n'est pas si facile.