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Scènes de pillages, incendies, tirs de mortiers d'artifice: 3e nuit de violences urbaines en France après la mort du jeune Nahel

Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur français, a annoncé que 667 personnes avaient été interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi en France après une nouvelle nuit de violences, marquée par des saccages, pillages et dégradations de biens publics, en réaction à la mort mardi à Nanterre de Nahel, tué par un policier.
 

Paris et sa banlieue ont été en proie jeudi à une nouvelle nuit de violences après la mort mardi à Nanterre de Nahel, tué par un policier.

En Seine-Saint-Denis, "quasiment toutes les communes" ont été impactées, a constaté dépitée une source policière à l'AFP. De nombreux supermarchés ont été pillés notamment à Montreuil et Epinay-sur-Seine. A Drancy, des émeutiers ont utilisé un camion pour forcer l'entrée d'un centre commercial qui a été en partie pillé et incendié, indique une source policière.

A Pantin, une vingtaine de jeunes habillés en noir, munis de mortiers d'artifice ont tiré en l'air ou en direction de la police, a constaté un journaliste de l'AFP.

Un début d'incendie s'est déclaré à la mairie de Clichy-sous-Bois. Treize bus du dépôt de la RATP d'Aubervilliers ont été incendiés. 

"La protection des bâtiments publics a été la priorité", a admis cette source.

A Paris, au moins deux boutiques du centre-ville, dont l'une aux Halles, ont été vandalisée. Quatorze personnes ont été interpellées, selon la préfecture de police de Paris (PP), dont certaines gares du Nord avec des objets volés. Rue de Rivoli, une artère du centre de la capitale, 16 personnes ont été interpellées avec des sacs, des chaussures et des vêtements dérobés dans un magasin.

A 2h30 vendredi, la préfecture de police a fait état de 61 interpellations uniquement dans la capitale. 

En Seine-et-Marne, peu après 2h00, les forces de l'ordre étaient "très sollicitées" et ont pu "contenir les tentatives d'intrusion aux commissariats de Meaux, Villeparisis, grâce aux renforts", a assuré une source sur le terrain.

Le centre social de Nemours a été détruit ainsi qu'une partie d'une école à Moissy-Cramayel. 

"Les incidents ont lieu partout en France mais la situation en Ile-de-France et à Paris était extrêmement tendue, avec des forces de l'ordre ne pouvant pas tout maîtriser compte-tenu de la multiplicité des incidents", a soufflé une source policière de haut rang.

Une source du gouvernement a assuré pour sa part que les violences avaient été moindres qu'attendues, hormis à Nanterre. 

Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on a insisté sur les "interpellations record" effectuées dans un contexte de violences urbaines où les interpellations sont difficiles à réaliser. 

La cité Pablo Picasso à Nanterre, dont Nahel était originaire, a connu une troisième nuit de violences soutenues avec des voitures incendiées, des tirs de mortiers d'artifice et de grenades artisanales, a constaté une journaliste de l'AFP. Une agence bancaire du Crédit mutuel a été incendiée.

A 3h00, le bilan de la soirée s'élevait à 245 interpellations à Paris et dans sa petite couronne, selon la préfecture de police.

Nuit d'incendies et de dégradations dans la métropole lilloise

Eteindre le feu allumé par la colère après la mort de Nahel: toute la nuit, les pompiers ont couru d'un incendie à l'autre à Roubaix et dans le reste de la métropole lilloise, débordés par la rage de petits groupes mobiles et dispersés qui ont multiplié les dégradations.

A Roubaix,  l'hôtel B&B près de la gare, dans le quartier défavorisé de l'Alma, prend feu après minuit, jetant dans la rue sa dizaine de résidents. Selon un riverain, les flammes sont parties d'un commerce incendié en bas. La police boucle les lieux, quelques voisins viennent aux nouvelles. 

Les équipes s'activent pour éteindre le brasier, mais déjà un autre s'allume à proximité, dans un grand immeuble abritant des bureaux, selon des riverains. Des pompiers arrivent en courant, leurs camions sillonnent la ville, parmi les plus pauvres de France. 

Le ciel, où flottent des nuages de fumée, s'illumine de tirs de feux d'artifice. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la scène. 

"En deux jours, ils ont fait ce que les Gilets Jaunes ont fait en deux ans", commente un passant, qui comme toutes les personnes interrogées par l'AFP refuse de donner son nom. 

Un peu plus loin, un témoin raconte avoir vu un groupe d'une cinquantaine de personnes mettre le feu à une agence d'une société de courtage en produits financiers. 

"Ca sert à quoi ?" 

Un centre social de la ville a aussi été incendié, selon le Roubaisien Amine Elbahi, candidat LR malheureux aux dernières législatives. Et le théâtre du Colisée n'a pas été épargné, avec de nombreuses vitres brisées. 

A Lille, la mairie du quartier populaire de Wazemmes a également été la proie de flammes qui ont endommagé le rez-de-chaussée et noirci la façade. 

"Brûler une mairie, c'est inutile", juge devant le bâtiment Sofiane, 22 ans, chauffeur de bus. "Le flic qui a fait ça n'avait pas à le faire", pointe-t-il au sujet du policier qui a tiré sur Nahel à Nanterre, "mais s'en prendre à des lieux publics, ça sert à quoi?".  

"C'est inadmissible", s'indigne Brice Lauret, conseiller de quartier accouru sur place. "Je peux comprendre la colère mais pas la violence", ajoute-t-il.

Une école élémentaire a été "très endommagée" par les flammes dans le quartier de Moulins, et deux autres établissements scolaires "visés par des tirs de mortiers d'artifice", déplore la mairie. Dans un autre quartier populaire, à Fives, la mairie a été caillassée, ses vitres brisées. 

Il y a eu "beaucoup de pillages" de boutiques et supermarchés, déplore-t-on encore à la Ville. Le fait de "petits groupes très mobiles, composés de très jeunes" individus, qui frappent "partout". 

D'importantes forces de police avaient pourtant été déployées dans la métropole, dont des unités du Raid, tandis que la préfecture a autorisé l'usage de drones par la police, après les violences qui ont marqué la nuit précédente.

"On va les choquer" 

Les premiers incidents ont démarré vers 21H, dans le secteur de l'hôtel de police de Lille, où la préfecture avait interdit tout attroupement, après un appel à rassemblement sur les réseaux sociaux.
Mobiles et dispersés, des petits groupes de jeunes y ont mis le feu à des poubelles et voitures, et dégradé des vitrines sur une grande artère.

Certains ont cassé les vitres d'un supermarché, pour en ressortir avec des bouteilles de sodas. 
A bord d'un quad et d'un véhicule blindé, des policiers du RAID sont intervenus à plusieurs reprises pour les repousser, braquant des lanceurs en leur direction. 

"Les policiers, ils se sentent tout permis, ils ont tué un jeune innocent, ils doivent arrêter" commente un passant de 16 ans.

"La mort de Nahel c'est trop grave, c'est injustifié" juge à proximité un jeune homme d'une vingtaine d'années, "mais la réaction est mauvaise, dégrader les services publics ça sert à rien". 

La préfecture a annoncé six interpellations dans le secteur, sur un total de 24 recensées en début de soirée par une source policière sur toute l'agglomération. 

Elle avait interdit tout attroupement dans le secteur en réaction à un appel à rassemblement sur les réseaux sociaux. 
"Ramenez mortier, cagoules etc, Y 'aura du monde (...) on va les choquer", mentionnait cet appel relayé sur Twitter dans l'après-midi.
 

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