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L'association "Les Radis Actifs" de Châtillon (Hauts-de-Seine), en France, propose à ses adhérents un projet innovant : collecter leur urine pour la transformer en engrais. Une initiative qui vise à réduire l'usage des engrais chimiques et à favoriser une agriculture plus respectueuse de l'environnement.
Depuis mercredi, certains membres de l'Amap (Association pour le maintien de l'agriculture paysanne) "Les Radis Actifs" ont la possibilité de déposer leur urine dans un point de collecte spécifique, en échange de leur panier de légumes. Équipés à domicile de bidons de 5 litres, de pipinettes ou d’urinettes, une vingtaine d'entre eux se sont déjà portés volontaires pour participer à cette initiative.
Leurs dons sont ensuite transportés à Simon Ronceray, un agriculteur bio du Loiret, dans le cadre du projet ENVILLE soutenu par l'école d'ingénieurs des Ponts et Chaussées et son programme Ocapi.
Un engrais du futur... ancré dans le passé
"L'usage d'urine comme fertilisant a longtemps été une pratique courante avant l'arrivée des engrais chimiques", rappelle Louise Raguet, responsable du projet. En effet, les excréments humains étaient autrefois utilisés pour enrichir les sols, une tradition que le projet ENVILLE souhaite remettre au goût du jour. L'urine, riche en phosphore et en azote, pourrait ainsi remplacer une partie des engrais chimiques, dont la production dépend largement des ressources fossiles.
En plus de son potentiel pour améliorer la fertilité des sols, le recours à l'urine permettrait également de réduire la pollution des rivières. Les eaux usées, même après traitement, contiennent encore de l'azote, qui contribue à la dégradation de la qualité des cours d'eau.
Des récoltes innovantes, mais sous réglementation
Les participants, surnommés les "Amapipi", apportent leur bidon de 5 litres au point de collecte où une machine aspire l'urine et la stocke dans une cuve de 300 litres. Cette dernière est ensuite récupérée une fois par mois par Simon Ronceray, qui l'utilise pour des potagers personnels ou des haies agroforestières, par crainte de perdre la certification bio de son exploitation.
En effet, l'urine humaine n'est pas encore reconnue comme substance utilisable en agriculture biologique. "Les substances autorisées sont listées dans un cahier des charges, et l'urine n'en fait pas partie", explique Simon Ronceray. Toutefois, l'agriculteur espère que la réglementation évoluera : "C'est une ressource nécessaire pour rendre l'agriculture française plus autonome."
Une ressource à fort potentiel
D’après Fabien Esculier, coordinateur du programme Ocapi, l'urine d'une seule personne pourrait fertiliser jusqu'à 500 mètres carrés de champ par an. "C'est une ressource colossale", souligne-t-il, espérant voir ce modèle se répandre dans tout le pays. L'initiative s’inscrit d'ailleurs dans une approche low-tech, favorisant des techniques simples et économes en ressources, par opposition aux solutions high-tech souvent plus coûteuses et complexes.
Présente à l'inauguration, Elodie Dorfiac, première adjointe à la mairie de Châtillon, se montre également optimiste quant au développement de cette idée. Elle révèle même avoir été contactée par un centre de dialyse intéressé pour s'impliquer dans un projet similaire, prouvant que l’idée pourrait rapidement faire des émules.
L'Amap des "Radis Actifs" montre ainsi que des solutions innovantes, mais ancrées dans des savoirs anciens, pourraient contribuer à une agriculture plus durable et à une gestion plus raisonnée des ressources naturelles.