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Procès d'un féminicide qui a bouleversé l'Italie

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ANDREA PATTARO

Un jeune homme est jugé à partir de lundi à Venise pour le meurtre de son ex-petite amie de dizaines de coups de couteau: une affaire qui a bouleversé l'Italie, pays toujours largement corseté dans la loi du patriarcat.

Le meurtre atroce en novembre 2023 de Giulia Cecchettin, 22 ans, étudiante en génie biomédical à l'université de Padoue, a jeté un éclairage sinistre sur les féminicides en Italie, où la grande majorité des victimes sont tuées par leur partenaire actuel ou ancien.

L'accusé, Filippo Turetta, 22 ans, ne devrait pas assister à la première audience à Venise lundi, consacrée à des questions techniques.

Selon les statistiques officielles, une femme est tuée tous les trois jours en Italie, pays majoritairement catholique où perdurent les rôles traditionnels des hommes et des femmes et où les comportements sexistes des hommes sont souvent minimisés.

Giulia Cecchettin, qui devait obtenir son diplôme quelques jours après sa mort, a été portée disparue le 11 novembre.

Des caméras vidéo installées près de son domicile ont saisi les premiers instants de l'agression et la fuite en voiture du meurtrier avec sa victime. Une chasse à l'homme s'engage alors, qui durera une semaine, suivie heure par heure par les médias et les Italiens.

Le corps de l'étudiante est retrouvé le 18 novembre dans un ravin près du lac Barcis, à environ 120 kilomètres au nord de Venise. Sa tête et son cou portent les traces de plus de 70 coups de couteau, selon les médias citant l'autopsie.

Filippo Turetta, à court d'essence, est arrêté près de Leipzig, en Allemagne.

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Piero CRUCIATTI

Des centaines de milliers de personnes manifestent dans tout le pays le 25 novembre, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

La sœur de Giulia Cecchettin, Elena, dénonce le "patriarcat" et la "culture du viol" qui prévalent selon elle dans la société italienne.

"La culture du viol est ce qui légitime tous les comportements portant atteinte à l'image de la femme, en commençant par des choses auxquelles on n'accorde parfois même pas d'importance... comme le contrôle, la possessivité, les insultes", écrit-elle dans le quotidien Il Corriere della Sera.

Lors des funérailles de Giulia Cecchettin à Padoue, son père Gino demande que la mort de sa fille soit un "tournant pour mettre fin au terrible fléau de la violence à l'égard des femmes", appelant à "remettre en question la culture qui tend à minimiser la violence des hommes".

En 2023, l'Italie a plébiscité le film "Il reste encore demain", de Paola Cortellesi, sur les violences conjugales et le combat des femmes pour leur émancipation après-guerre. Tourné en noir et blanc, ce drame historique a attiré près de 4,4 millions de spectateurs, devenant le film le plus vu de l'année, devant "Barbie".

- "Je suis coupable" -

Filippo Turetta encourt la prison à vie pour assassinat et enlèvement.

Des extraits vidéo de son audition par un juge le 1er décembre 2023 ont été diffusés la semaine dernière dans l'émission "Quarto Grado" de Channel 4. "Je suis responsable, je suis coupable. Je suis responsable de ces actes, oui", dit-il.

D'une voix calme, il explique comment Giulia Cecchettin a refusé de lui offrir un animal en peluche, lui disant qu'elle voulait mettre fin à leur relation et provoquant une dispute dans la voiture.

Tentant de s'enfuir à pied, la jeune femme est rattrapée par son meurtrier qui la poignarde d'abord au bras, avant de la ramener dans le véhicule et de s'enfuir. "Je lui ai donné, je ne sais pas, environ 10, 12, 13, je ne sais pas, plusieurs coups de couteau", a raconté M. Turetta.

Selon le ministère de l'Intérieur, 120 femmes ont été assassinées en Italie l'année dernière, dont 97 par des membres de leur famille ou par leur partenaire actuel ou ancien.

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Piero CRUCIATTI

A la suite de la mort de Giulia Cecchettin, le parlement italien a adopté un ensemble de projets de loi visant à renforcer l'arsenal existant en matière de protection des femmes, mais les associations affirment que le changement culturel exige beaucoup plus, à commencer par l'enseignement obligatoire de ce sujet dans les écoles.

Selon un rapport gouvernemental de juillet 2021, "dans certaines régions, jusqu'à 50% des hommes estiment que la violence est acceptable dans le cadre de relations".

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