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Le Premier ministre Alexander De Croo a appelé l'Union européenne, mardi à la tribune du Parlement européen, à ne pas craindre d'agir "par elle-même" si les États-Unis choisissent à nouveau "America first" cet automne lors de leur élection présidentielle.
"2024 sera une année cruciale, pleine d'enjeux pour l'Europe, pour l'Occident, non seulement en raison des élections pour cette assemblée, mais aussi pour le congrès américain et la présidence des États-Unis. Si 2024 nous ramène l'+America first+ (slogan de Donald Trump, NDLR), ce sera plus que jamais +l'Europe par elle-même+", a affirmé le chef du gouvernement, dans son discours devant le Parlement européen à l'occasion de la présentation du programme de la présidence belge du Conseil de l'UE.
À ses yeux, "nous ne devrions pas craindre cette perspective, nous devrions l'embrasser, en plaçant l'Europe sur des bases plus solides, plus fortes, plus souveraines, plus autonomes".
Les priorités de la présidence belge
La Belgique souhaite contribuer à cet effort en protégeant les gens, en renforçant l'économie et en préparant l'avenir commun, a-t-il ajouté, citant trois grandes priorités de la présidence belge. Face aux concurrences économiques des USA et de la Chine, passant par des subventions massives, le libéral appelle à renforcer la compétitivité en aidant les (jeunes) entrepreneurs à se placer sur un grand marché des capitaux. Un rapport commandé à l'ancien Premier ministre italien Enrico Leta doit ainsi esquisser un nouvel élan pour le marché unique, sous cette présidence belge.
Le Premier ministre est revenu sur l'importance d'ajouter un pacte industriel au pacte vert européen, en soutenant les technologies propres. Sans oublier la concertation sociale, a-t-il ajouté à l'égard de l'aile gauche de sa majorité Vivaldi.
Arrivant en fin de législature, la présidence belge doit aussi aider à tracer l'agenda stratégique de l'UE pour les cinq prochaines années. Elle a établi une feuille de route pour garantir la capacité d'action de l'Europe lorsque l'Union passera "d'une famille de 27 à une famille de plus de 30 membres". Le financement de l'Union ; les futures priorités politiques à l'échelon européen ; le renforcement de la démocratie européenne ; et une meilleure intégration de l'État de droit dans l'Union, constituent les grands axes de cette feuille de route.
Par ailleurs, la Belgique a bien l'intention de réaliser "un grand pas en avant dans le domaine de l'asile et de la migration pour rendre le régime européen à nouveau gérable, fonctionnel et humain", a confirmé Alexander De Croo.
Le soutien à l'Ukraine, la volonté d'aider à construire un chemin vers une paix durable entre Israël et la Palestine, les droits des femmes et des LGBTQ, à l'heure où "l'on constate le retour des symboles fascistes dans nos rues et une montée de la violence antisémite", ont constitué d'autres axes du discours du Premier ministre belge à Strasbourg.
La colère est grande
Intervenant au nom du PPE (conservateurs), Benoît Lutgen (Engagés) a déploré l'absence, dans ce discours, des thèmes agricoles et de la ruralité, alors que l'Allemagne est confrontée à "la colère des agriculteurs". "Vous avez raison, rallier industrie et agriculture est de première importance", a répondu M. De Croo. L'élu a aussi insisté sur la protection des citoyens en matière d'alimentation, de santé, mais aussi de défense militaire. "La colère est grande", a-t-il prévenu, mettant en garde contre le vote extrême.
Pour les socialistes du S&D, la cheffe de groupe Iratxe Garcia Perez a réclamé une Union "avec un supplément d'âme" sociale, enjoignant notamment à la Belgique de faire atterrir la directive sur les travailleurs de plateforme, à agir sur l'égalité et la lutte contre la violence envers les femmes ou les LGBTI. En matière climatique, il importe de faire aboutir la législation sur la qualité de l'air, a-t-elle rappelé.
Co-président des Verts/ALE, Philippe Lamberts (Ecolo) a d'abord rendu hommage à la manière dont Alexander De Croo fait de la politique, évoquant une "dignité", de la "nuance" et du "respect de la personne humaine". "Vous êtes capable de mener par l'exemple, et pour cela merci", a-t-il dit. Après les fleurs, il a lancé le pot: "nous ne sommes pas d'accord quand vous utilisez le mot de +pause+" dans les politiques environnementales, alors que "l'incendie n'est pas éteint". "Je n'ai jamais dit qu'il fallait une pause sur le Green Deal, mais bien qu'il fallait prioriser les réalisations pour aider à faire aboutir ce pacte", a répondu le chef du gouvernement. Les écologistes sont vent debout contre la refonte des règles budgétaires qui s'imposeront à nouveau aux États membres et signifient, selon M. Lamberts, le retour de l'austérité au moment où l'Europe doit investir massivement pour "prendre son envol". "Nous ne pouvons que vous souhaiter l'échec" sur ce point, a-t-il dit à M. De Croo.
Marc Botenga, pour La Gauche (extrême gauche), a été dans le même sens, appelant la présidence belge à "saboter cette négociation", tant l'austérité qu'il voit dans les nouvelles règles pèsera sur les hôpitaux, les écoles, les crèches, et mettra "la corde au cou des travailleurs".
Kathleen Van Brempt (Vooruit, S&D) s'est toutefois inscrite en faux contre cette vision des nouvelles règles de discipline budgétaire. Au contraire, la Belgique met l'accent sur les investissements sociaux et la transition durable, a-t-elle assuré.
Pour Geert Bourgeois (N-VA), qui prenait la parole au nom des conservateurs et réformistes d'ECR, la Belgique ne négocie pas assez dans le sens d'un renforcement de la compétitivité, tandis que les grands États membres continuent de mettre l'accent sur leur production propre, au détriment des plus petits. Il a aussi stigmatisé un gouvernement belge qui "bloque la négociation de nouveaux traités commerciaux". Alexander De Croo a réuni, dans sa réponse, le mandataire N-VA avec Gerolf Annemans (Vlaams Belang, ID). "Vous semblez partager une même vision, mais vous ne nous avez pas expliqué vers où le débat européen devait s'orienter. Manifestement vos priorités ne sont pas ici".