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Hadja Lahbib passe son "grand oral" au Parlement européen: "Rien ne me prédestinait à me retrouver devant vous"

Hadja Lahbib est face au Parlement européen ce matin. Elle défend ce matin sa candidature au sein de la Commission Von der Leyen II. 

Le Parlement européen a entamé mercredi matin l'audition de la ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib, pour évaluer si elle peut endosser, dans la Commission Von der Leyen II, les portefeuilles de la gestion des crises, de l'aide humanitaire et de l'égalité.

"Rien ne me prédestinait à me retrouver devant vous", a affirmé la commissaire-désignée à l'entame de son audition. La libérale n'a pas manqué de rappeler le parcours de son père, immigré algérien dans les mines du Borinage, puis son propre parcours d'universitaire, de grande reporter et de présentatrice de JT, avant de devenir ministre. "C'est une histoire européenne, c'est ça l'Europe: égalité, solidarité et opportunité", a souligné Hadja Lahbib.    

Dans sa présentation, la candidate a mis en priorité le portefeuille de l'égalité, s'engageant notamment à mettre pleinement en œuvre la convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.  

Feuille de route pour les droits humains, nouvelle stratégie de l'égalité de genres post-2025, révision de la stratégie pour l'égalité des personnes LGBTIQ, nouvelle stratégie anti-racisme, nouvelles mesures en faveur des personnes avec handicap, cadre stratégique envers les communautés Rom, protection contre le cyber-harcèlement: Hadaj Lahbib s'est engagée sur tous ces points, sans toutefois entrer dans le détail des mesures prévues.  

Quant aux crises et à leur gestion, la candidate a confirmé la nécessité de mieux préparer l'Union. "On ne peut plus se contenter de réagir aux crises, il faut mieux anticiper, prévenir grâce à une stratégie de soutien aux États membres, que je présenterai au début de mon mandat". Hadja Lahbib a aussi insisté sur la nécessité d'impliquer l'ensemble de la société et des citoyens pour construire une "culture" partagée de la préparation aux crises, un point sur lequel avait déjà insisté Ursula von der Leyen.  

Inondations en Espagne : "Nous devons mieux nous préparer"

La candidate s'est attardée sur la situation en Espagne, frappée par des inondations meurtrières. "C'est une terrible preuve que nous devons mieux nous préparer. Je renforcerai donc notre résilience climatique et contribuerai à notre plan d'adaptation climatique". La préparation aux crises sanitaires, aux menaces chimiques, biologiques ou nucléaires, ont aussi été évoquées.  

Quant à l'aide humanitaire, la cheffe de la diplomatie belge a souligné l'importance d'impliquer davantage de donateurs à travers le monde et d'encourager les États membres à atteindre l'objectif de 0,7% du produit national brut. Sans citer directement l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, soutenue par l'UE mais ciblée par Israël, elle a répété le soutien à l'ONU et rappelé les principes de ne pas cibler les populations civiles, les écoles et les hôpitaux.  

Applaudie au terme de son introduction, la candidate poursuivait avec les questions des eurodéputés, auxquelles elle répondait cette fois en français.

Interrogée sur le droit des femmes et la lutte pour l'égalité

Dès la première question, le "libre choix" des femmes de disposer de leur corps et de décider d'avoir ou non des enfants a été mis en avant par Hadja Lahbib. Interrogée sur la baisse de la fertilité en Europe, elle a mis l'accent sur l'encadrement nécessaire pour permettre aux femmes d'enfanter "sans avoir peur de perdre leur carrière", par exemple.  

Les prochains mois seront consacrés à établir une vue d'ensemble de la "réalité sociale" grâce aux données d'organes comme l'Agence des droits fondamentaux de l'UE, dans le but de "mettre tout en place pour pouvoir accompagner les femmes comme il faut dans leur choix".  

Interrogée sur le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), Mme Lahbib s'est référée à la Cour européenne des droits de l'homme, "qui a estimé en 2023 que le manque d'accès sécurisé et sûr à l'avortement est une atteinte au droit individuel (...) C'est une base sur laquelle on peut construire". Une affirmation suivie d'applaudissements.  

Alors que le corps des femmes "divise les sociétés", les droits sexuels et reproductifs sont des "droits élémentaires qu'il faut absolument protéger", a-t-elle martelé, regrettant le recul observé dans certains pays européens. Hadja Lahbib a également annoncé pour le 8 mars une feuille de route sur la stratégie d'égalité des genres. Elle s'est engagée à être attentive au financement de cette thématique. La ministre est restée prudente sur l'échec récent de l'UE un dégager une définition commune du viol, basée sur le consentement.  

Plusieurs députés se sont demandé si le couplage du portefeuille de l'égalité avec celui de la gestion des crises ne constituait pas un recul. Hadja Lahbib a souligné que les forces de sa prédécesseure Helena Dalli (commissaire sortante à l'égalité, NDLR) restaient en place. L'idée est d'intégrer la thématique de l'égalité dans tous les commissariats de façon transversale à l'aide d'une task force, a-t-elle expliqué. "Pour moi, il y aura 26 commissaires qui devront répondre de l'égalité durant ce mandat."  

L'extrême droite a attaqué sur la gestation pour autrui. La candidate a évité le piège. "C'est une compétence des États membres", a-t-elle répondu. Elle a toutefois soulevé un angle européen: les différences de législation dans l'UE conduisent à plus d'inégalités dans la reconnaissance des enfants entre États membres, c'est aussi une question de liberté de circulation des personnes. Hadja Lahbib a soutenu l'idée d'un certificat européen de reconnaissance de ces enfants, "peu importe leurs parents", a-t-elle dit, recueillant des applaudissements. Ce fut aussi le cas lorsqu'elle s'est prononcée contre les thérapies de conversion.

Hadja Lahbib répond aux attaques sur les visas iraniens et de son voyage en Crimée

La ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib a répondu à des questions répétées de certains eurodéputés qui l'interrogeaient, lors de son audition de confirmation comme commissaire européenne, sur deux dossiers chauds qui ont mis en péril son mandat: la délivrance en 2023 de visas à une délégation iranienne et un reportage journalistique en 2021 en Crimée occupée par la Russie.

Ces questions sont venues notamment de l'eurodéputée N-VA Assita Kanko (ECR), de l'extrême droite (AfD allemande) ou encore de membres du PPE qui ont voté contre Ursula von der Leyen en juillet, comme le français François-Xavier Bellamy (Les Républicains). La commissaire-désignée a répété les réponses qu'elle avait déjà données devant la Chambre sur ces deux dossiers. Elle a notamment rappelé que la délivrance de visas à la délégation iranienne s'était faite contre l'avis de son ministère, et qu'elle-même avait obtenu la confiance à la Chambre.    

Quant à la controverse sur son reportage en Crimée, où elle était entrée par la Russie, elle a réfuté les allégations d'une élue AfD prétendant que l'invitation venait "de la fille de Poutine", et mettant en cause son soutien à l'Ukraine. "Cette invitation venait d'une artiste qui vivait en Belgique", a-t-elle répondu. "Il ne peut y avoir de doute sur le fait que j'ai, en tant que ministre des Affaires étrangères, toujours défendu la souveraineté de l'Ukraine sur la Crimée", a affirmé Hadja Lahbib, soulignant sa proximité avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi que le soutien armé et financier de la Belgique à Kiev.  

Sur la compétence de l'aide humanitaire, des élus d'extrême droite ont attaqué la candidate sur le soutien belge et européen à l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, dont Israël accuse des agents de soutenir le terrorisme. La ministre a répété la position de l'UE: s'il n'existe pas de risque zéro, il y a bien une tolérance zéro ; des contrôles extrêmement stricts sont menés et l'UE continue de soutenir l'ONU.  

Interrogée une énième fois sur la Crimée, la ministre a toutefois commis une confusion en répondant sur le dossier iranien. Pour passer sans souci, Hadja Lahbib a besoin du soutien des coordinateurs de groupes politique représentant deux tiers des commissions impliquées. Le soutien d'ECR est donc lui aussi nécessaire, en plus du PPE, du S&D, de Renew et des Verts/ALE. Des questions écrites supplémentaires, voire une nouvelle audition, sont théoriquement possibles si le compte n'y est pas. Au final, un vote à majorité simple pourrait intervenir.

 

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