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Emmanuel Macron a annoncé dimanche la dissolution de l'Assemblée nationale, un tremblement de terre politique et un pari ultra risqué dans son second quinquennat, après l'écrasante défaite encaissée face au Rassemblement national de Jordan Bardella, large vainqueur des élections européennes en France.
Coup de tonnerre et coup de poker à l'Elysée: dans une allocution choc en pleine soirée électorale, le chef de l'Etat a surpris les Français en affirmant avoir décidé de leur "redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote".
Les élections législatives auront lieu les 30 juin et 7 juillet, deux ans après les précédentes qui avaient privé Emmanuel Macron d'une majorité absolue. Il a d'ailleurs aussi invoqué le "désordre" du débat parlementaire pour justifier sa dissolution, une "décision grave, lourde", mais aussi "un acte de confiance".
Si son entourage assure être déterminé à "gagner", il pourrait être contraint à une cohabitation en cas de victoire du RN à quelques jours seulement des Jeux olympiques de Paris.
A peine les bureaux de vote fermés, une nouvelle campagne a commencé sans délai. Le président a réuni dès dimanche soir son gouvernement, tandis que fleurissaient déjà les candidatures aux législatives, notamment celle de l'ex-ministre socialiste Jérôme Cahuzac, condamné en 2018 pour fraude fiscale.
Place de la République à Paris, un rassemblement contre l'extrême droite a donné dans la soirée le ton d'un mois à venir sous haute tension.
Réclamée par le RN, cette dissolution est la sixième sous la Ve République. La dernière, décidée par Jacques Chirac en 1997, avait débouché sur une cohabitation après la victoire de la gauche et la nomination du socialiste Lionel Jospin à Matignon.
- Le RN est "prêt" -
Le RN est déjà dans les starting-blocks: "Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance", a lancé Marine Le Pen, triple candidate à l'Elysée.
Son "poulain" Jordan Bardella, enthousiasmé par le "désaveu cinglant" infligé au chef de l'Etat, fait désormais figure de favori pour Matignon, à seulement 28 ans.
Avec 31,5% à 32% des voix selon les estimations des instituts Ipsos et Ifop, le président du RN a frappé un grand coup aux européennes, offrant au parti à la flamme son meilleur score dans une élection nationale (hors second tour).
Cette victoire, avec dix points de plus que son score déjà haut de 2019 (23,34%), contribue de manière décisive à la montée en puissance du camp nationaliste et souverainiste au Parlement européen, principal enseignement du scrutin au niveau de l'UE. Le RN devrait en effet y envoyer 30 élus, sur les 81 octroyés à la France.
En ajoutant les quelque 5,3% de Marion Maréchal et d'autres petites listes, l'extrême droite frôle les 40%. Le président de Reconquête Eric Zemmour a appelé le RN, mais aussi Les Républicains dont le candidat François-Xavier Bellamy atteint 7%, à "la plus vaste union des doites" en vue des législatives.
La liste macroniste de Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue du public, est reléguée très loin derrière Jordan Bardella avec 14,5% à 14,9% des voix. Et elle ne sauve sa deuxième place que de justesse devant la liste des socialistes menée par Raphaël Glucksmann qui fait 14% à 14,2%, plus du double qu'en 2019.
La Macronie jouera encore gros lors des législatives, avec un risque clair de perdre de nombreux députés.
Le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, a affirmé à l'AFP que le camp Macron "donnera l'investiture" aux députés sortants "faisant partie du champ républicain" et souhaitant "s'investir dans un projet clair" autour de la majorité présidentielle... Rien n'assure que le Parti socialiste ou LR accepteront cette main tendue.
Le patron des Républicains Eric Ciotti a promis une campagne "sans aucune forme de coalition" avec "ce pouvoir qui a tant abîmé la France".
"Cette dissolution exigée par Jordan Bardella restera une tache" sur la présidence Macron, a aussi réagi Raphaël Glucksmann.
Mais la remontée de La France insoumise de Manon Aubry, qui améliore son score par rapport aux précédentes européennes (9,1% à 10,1%), risque de compliquer l'équation pour une nouvelle alliance électorale à gauche, alors que la Nupes bat de l'aile depuis des mois.
- Participation en hausse -
Les législatives seront l'occasion "de réaffirmer très haut et très fort que quand on est Insoumis et Insoumises, on ne craint pas le peuple. C'est le contraire", a lancé Jean-Luc Mélenchon qui fait figure de repoussoir pour beaucoup de ses partenaires potentiels.
L'écologiste Marie Toussaint a annoncé des "discussions très certainement dans les heures qui viennent" entre les partis de gauche tandis que plusieurs voix appelaient à un nouveau "front populaire".
Mais les Verts français sont en position de faiblesse: grande surprise des européennes de 2019 avec 13,5%, la liste écologiste, menée cette année par Marie Toussaint, échappe cette fois d'un rien à la débâcle, avec un score à peine supérieur à la barre fatidique des 5% nécessaire pour envoyer des élus au Parlement européen.
Signe d'une campagne qui a suscité plus d'intérêt que prévu, l'affluence aux urnes a encore progressé par rapport à 2019 à 52,5% selon l'Ifop, quand elle s'était déjà affichée en hausse à 50,12%.
- Echec personnel pour Macron -
La défaite est surtout un cuisant échec personnel pour le chef de l'Etat, qui s'est investi dans la campagne jusqu'au bout.
Lui qui laissait récemment entendre qu'il ne comptait pas tirer d'enseignements nationaux d'un scrutin européen a finalement fait tout l'inverse... Jusqu'à prendre le risque de devoir diriger le pays avec un Premier ministre RN?
L'échec est en tout cas d'ampleur dans cette élection qu'il présentait comme "existentielle" pour le pays et le continent, où la guerre a fait son retour depuis deux ans avec l'invasion russe de l'Ukraine, et sur fond de conflit sanglant au Proche-Orient.
Les oppositions ne l'ont pas épargné dimanche: le patron du PS Olivier Faure a estimé qu'il s'était "disqualifié", quand Eric Ciotti a assuré que ces résultats annonçaient "la fin du macronisme".